Pages

Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

Affichage des articles dont le libellé est De Gaulle. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est De Gaulle. Afficher tous les articles

samedi 12 mai 2012

La mémoire de la Résistance dans les manuels scolaires (1)


Extrait d'un manuel scolaire de l’école primaire de 1956 sur la résistance.

« La Deuxième Guerre Mondiale. La Résistance.
En juin 1940, les Allemands font prisonnière presque toute l'armée française. Ils envahissent la France tout entière. La plus grande partie de la France reste ensuite occupée pendant quatre ans par les troupes ennemies. Le reste du pays est dirigé par un nouveau gouvernement établi à Vichy. Le gouvernement de Vichy collabore avec les Allemands, c'est-à-dire qu'il accepte de gouverner sous leur contrôle.
Un chef français, le général de Gaulle, a réussi à quitter la France et s'est installé à Londres en Angleterre. Il avertit par radio les Français : « La guerre, déclare-t-il, n'est pas finie. Continuez à combattre l'ennemi. » Des milliers de Français courageux organisent alors, en France même, la Résistance. Ils se réfugient dans le maquis, c'est-à-dire dans les forêts et dans les montagnes. Leurs petits groupes, mal équipés et mal armés, attaquent avec héroïsme les troupes et les convois allemands.
Résumé de la leçon : Les Français sont vaincus par les Allemands en 1940, au début de la Deuxième Guerre Mondiale. La France est occupée. Mais de Gaulle ordonne aux Français de continuer la guerre. Les résistants attaquent les convois allemands. »

Source : A. Bonifacio, P. Maréchal, Histoire de France, cours élémentaire et moyen, Hachette, 1956.

Questions :


1.  Que peut-on dire de la façon dont la Résistance française et le général de Gaulle sont présentés dans ce document ?
2.  Quels acteurs de cette période de l'histoire de France sont absents ou peu évoqués ?
3.  En quoi ce document est-il un outil au service de la construction  de la mémoire de la guerre ?
4. Quelles évolutions majeures cette vision de l'histoire de la France dans la guerre connaîtra-t-elle dans les décennies suivantes ?

Les manuels scolaires sont des outils pertinents pour étudier les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France, et particulièrement celles de la Résistance. Pourquoi? Parce qu'ils proposent une vision simplifiée des mémoires officielles, des mémoires dominantes, de celles dont le pouvoir en place entend qu'elles soient transmises aux générations qui n'ont pas connu la guerre. 
Ici est proposé à l'étude un extrait d'un manuel destiné aux plus jeunes ( école primaire) en 1956, soit pendant la IV République, un peu plus de 10 ans après la fin du conflit. De Gaulle n'est alors pas au pouvoir, mais la mémoire gaulliste de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance inspire très largement la représentation du conflit livrée aux enfants. 

( Question 1 ) Le texte se compose de deux paragraphes : le premier fait état de la défaite, de l'occupation du territoire et de l'existence d'un gouvernement qui fait le choix de la collaboration (le gouvernement de Vichy) ; le second, présenté comme une antithèse du premier, met en évidence le rôle de la Résistance et de De Gaulle. Le général de Gaulle est posé comme l'initiateur de la Résistance. Il est celui qui fait le choix de l'exil ( "il quitte la France") - et ce lorsque la solution de l'armistice est adoptée par le gouvernement, choix qui est présenté ici comme un choix courageux. Il est aussi celui qui "avertit (...) les Français" : le texte fait évidemment allusion à l'appel du 18 juin 1940, puis aux autres appels lancés depuis Londres et la BBC par le Général aux Français pour inviter à la Résistance contre l'ennemi. Conséquence de cet appel selon le manuel scolaire, "des milliers de Français courageux organisent alors, en France même, la Résistance". La résistance intérieure est donc posée comme la résultante de l'impulsion donnée, depuis Londres, par le général de Gaulle. La vision qui est donnée de la Résistance est celle d'une résistance masculine, militaire ("ils attaquent", "le maquis"), héroïque ("des milliers" - mais la France compte 40 millions d'habitants - qui forment des "petits groupes mal équipés et mal armés"). C'est l'armée de l'ombre qui est montrée, celle que mettras en scène le film éponyme de Jean Pierre Melville (1969), celle dont le film de René Clair, La bataille du rail, avait glorifié en 1946. 



(Question 2). De toute évidence, une telle démonstration, de plus effectuée dans un espace très limité, ne peut que passer sous silence certains acteurs. Il faut d'abord insister sur le fait que Vichy est néanmoins évoqué ( contrairement à la vision caricaturale - à laquelle certains aboutissent parfois -  selon laquelle l'évocation de la Résistance impliquerait un silence total sur Vichy) . Pétain n'est pas nommé, mais la collaboration de Vichy est mentionnée, même si elle est présentée - ce que les historiens contrediront plus tard - comme une collaboration subie et non comme une collaboration choisie. 
Pétain, procès devant la Haute Cour de Justice, 1945

Trois acteurs majeurs sont complètement absents, ou peu s'en faut, du résumé proposé. 
D'abord, les armées alliées (Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni), dont le rôle essentiel à la Libération du territoire n'est pas même évoqué. Ce silence rehausse évidemment le rôle prêté à la Résistance, qui apparaît comme le seul acteur de la Libération. 
Débarquement de Normandie, 6 juin 1944


Deuxième absent, du moins nommément : les différents mouvements formant la Résistance intérieure, et particulièrement les communistes. Alors que les communistes sont alors à l'origine d'une mémoire spécifique de la Résistance, insistant sur le rôle majeur qu'ils ont joué ( le Parti des fusillés), les résistants sont présentés dans le manuel sous la seule étiquette de "Français". C'est important parce que cela souligne la volonté de rassemblement qui a présidé à la construction de la mémoire gaulliste. 
Parti communiste, affiche d'octobre 1945, à l'occasion des législatives
Enfin le texte évoque seulement le combat mené contre l'occupation, mais pas les victimes de ce combat - les fusillés, les déportés de répression - non plus que celles de la politique de persécution menée sur le territoire : Juifs, tsiganes. La vision proposée est vraiment militaire : seuls les combattants, réguliers ou non, en capacité de se battre ou non ( les prisonniers de guerre ), sont mentionnés. 

(Question 3) Ce document est donc un outil au service de la construction de la mémoire de la guerre, puisqu'il propose une représentation de la guerre à destination d'un public d'enfants qui ne l'ont pas connue - mais dont les parents, eux, l'ont vécue. Le manuel scolaire joue un rôle majeur dans la transmission des visions dominantes que l'on choisit de donner de l'événement. Il est à la fois le témoin des connaissances de l'époque ( peu de recherches historiennes alors sur Vichy, les archives étant fermées ; une histoire de la guerre et de la Résistance qui est, pour beaucoup, le fait des acteurs et témoins ), et le témoin des visions dominantes, de celles que le pouvoir en place entend transmettre.

(Question 4) Cette vision de la France dans la guerre va connaître des évolutions majeures. 
D'abord, à partir des années 1970, le rôle de Vichy va être précisé sous l'impulsion d'abord d'historiens étrangers comme Robert Paxton ( La France de Vichy, 1973), relayé par des historiens français dans les années 1970 et 1980 surtout. La vision de Vichy s'enrichit et se précise. C'est un Etat collaborateur - ce que l'on savait et disait déjà depuis le procès de Pétain par la Haute Cour de Justice en 1945 - , qui a fait le choix de la collaboration. C'est par ailleurs un Etat fort, qui s'apparente à une monarchie personnelle et a totalement rompu avec la tradition républicaine et démocratique. C'est enfin un régime antisémite qui a participé à la mise en oeuvre de la Solution Finale. 
Ensuite, il faut noter que les années 1970 sont celles du réveil de la mémoire de la Shoah, qui prend bien sûr la forme d'un recueil des témoignages et de l'apparition de cette mémoire au cinéma, mais qui prend aussi la forme du travail des historiens. Les premiers travaux émanent de chercheurs isolés ( comme le couple Klarsfeld à l'origine de la première liste des déportés juifs partis de France). Ils sont relayés ensuite par des travaux émanant des structures institutionnelles de recherche ( citons par exemple les travaux récents sur la spoliation des biens juifs pendant la guerre). 








Robert Paxton, La France de Vichy, Seuil, 1973
Serge Klarsfeld, Le mémorial de la déportation des Juifs de France, 1978
La persécution des Juifs de France (1940-1944) et le rétablissement de la légalité républicaine. Recueil des textes officiels , ouvrage réalisé sous la direction de Claire Andrieu, avec la participation de Serge Klarsfeld et Annette Wieviorka, et la collaboration de Olivier Cariguel et Cécilia Kapitz. Avec cédérom. Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France, Paris, La Documentation Française, 2000, 530 p. 

vendredi 16 mars 2012

Chronologie de la guerre d'Algérie


A l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, Radio France Internationale propose une chronologie interactive ( avec liens vers des vidéos de l'ina ) intéressante : 
http://www.tiki-toki.com/timeline/entry/29674/Algerie-la-longue-route-vers-lindependance-par-RFI-Radio-France-Internationale/

Pour réviser, en savoir plus, voir en images, ...

jeudi 2 juin 2011

mardi 31 mai 2011

De Gaulle et les partis politiques (1)

L'opposition du général de Gaulle au "régime des partis", est connue. Les partis politiques sont des formations destinées à conquérir le pouvoir dont le général de Gaulle ne remet pas en cause l'existence. Ils participent naturellement au jeu politique dans les démocraties : 
"En démocratie, rien n'est plus naturel que l'existence des partis. Ils expriment nos oppositions réciproques", dit-il lors d'une conférence de presse (conférence du 24 avril 1947 qui suit le lancement du RPF).
D'ailleurs le texte de la constitution de 1958 sera le premier texte constitutionnel à reconnaître explicitement le rôle des partis, comblant ainsi un vide juridique. Mais, pour de Gaulle ( et c'est la pratique qu'il a cherché à imposer entre 1958 et 1969), le rôle qui leur est reconnu est clairement défini : le parti politique doit pouvoir jouer pleinement un rôle électoral (faire connaître les idées, les défendre par le biais des élections, disposer de représentants élus qui porteront - au sein de groupes parlementaires - les idées de la formation partisane...). Par contre, il ne doit avoir aucun rôle au niveau gouvernemental. Cela signifie que le gouvernement - qui dirige la politique du pays - ne doit pas dépendre d'une ou plusieurs formations partisanes, qui seraient à l'origine de la nomination de son chef, discuteraient sa composition, négocieraient leur soutien... En somme, ce que de Gaulle refuse, c'est ce qu'il appelle, sous l'appellation "régime des partis", la mainmise des organisations partisanes sur le gouvernement. 
"Varices", affiche de Sennep, 1946
Le dessin de Jean Sennep intitulé "Varices" livre un regard amusé sur la situation délicate du grand Charles, chef de gouvernement du GRPF, confronté à l'automne 1945 à une Assemblée Nationale dans laquelle les partis ont repris toute leur place. Trois partis - représentés ici comme des varices (ou des sangsues!) qui courent le long du mollet de de Gaulle - dominent l'assemblée constituante élue lors de ces premières élections d'après-guerre : le PC (parti communiste français, né en 1920, alors auréolé de son image de "parti des fusillés"); la SFIO (Section française de l'internationale ouvrière, née en 1905) ; le MRP enfin (Mouvement républicain populaire), jeune formation issue de la Résistance portant un courant démocrate-chrétien. 
Le dessin dit la gêne occasionnée à de Gaulle par le retour en force des partis. C'est d'ailleurs un de Gaulle débarrassé des habits du Général qui affronte - en civil - les désagréments politiques... La disproportion entre de Gaulle - filiforme et immense - et les partis - vers de terre capricieux - signale le parti-pris du caricaturiste : dessinateur de droite sous la 3e République, Sennep s'est  rallié en 1941 à la France Libre et il est un partisan indéfectible du Général. 
Pour en savoir plus sur le caricaturiste Sennep, voir le site suivant qui présente les dessins de ce caricaturiste célèbre sous la 3e puis sous la 4e république. 
De cet affrontement, de Gaulle sort perdant. Il ne parvient en effet pas à imposer sa conception d'un gouvernement " qui gouverne" à des partis politiques qui conçoivent le gouvernement comme une fédération de représentants des partis... De Gaulle fait donc le choix de la démission le 20 janvier 1946:
"Le 19 janvier, je fis convoquer les ministres pour le lendemain, rue Saint-Dominique. A l'exception d'Auriol et de Bidault, qui se trouvaient alors à Londres, et de Soustelle, en tournée au Gabon, tous étaient réunis, le dimanche 20 au matin, dans la salle dite "des armures". J'entrai, serrai les mains, et, sans que personne ne s'assit, prononçai ces quelques paroles : "le régime exclusif des partis a reparu, je le réprouve. Mais, à moins d'établir une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience. Il me faut donc me retirer".
Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959.  
Sources :
http://wodka.over-blog.com/article-2738784.html

dimanche 29 mai 2011

De Gaulle et le Rassemblement du peuple français (RPF)


Le général de Gaulle fonde en avril 1947 un rassemblement politique, le Rassemblement du Peuple Français (RPF), qui rencontre un succès électoral rapide.
  • Pourquoi rassembler le peuple français?



La décision de créer le Rassemblement du Peuple français fait suite aux désillusions de l'année 1946. Chef du gouvernement provisoire de la République française (GPRF), le général de Gaulle avait  été conforté dans cette fonction par l'Assemblée constituante élue en octobre-novembre 1945. Mais entre les partis qui forment l'assemblée - le Parti communiste, la SFIO (Section Française de l'Internationale Ouvrière), et le Mouvement Républicain Populaire (MRP) - et le général de Gaulle, il y a opposition sur ce que doivent être les institutions de la future république. Pour les premiers, attachés à la tradition républicaine française, l'essentiel doit résider entre les mains du Parlement : le pouvoir législatif (celui qui fait la loi) doit être le plus fort. Pour de Gaulle, à l'inverse, c'est à l'exécutif - et donc au Chef de l'Etat - que doit revenir l'essentiel du pouvoir. Sans un Parlement qui a voté les pleins pouvoirs à Vichy, il n'y aurait pas eu Vichy. Et, toujours selon de Gaulle, un Etat fort aurait pu empêcher la défaite de 1940... 
"Veut-on un gouvernement qui gouverne ou bien veut-on une Assemblée omnipotente déléguant un Gouvernement pour accomplir ses volontés (...) La formule qui s'impose, à mon avis, après toutes les expériences que nous avons faites, c'est un Gouvernement qui ait et qui porte seul - je dis : seul - la responsabilité entière du pouvoir exécutif.
 De Gaulle, Deuxième déclaration à l'Assemblée Constituante, 31 décembre-1er janvier 1946. 
 Quelles que soient ses convictions, comme la confiance que  continuent à lui porter les partis issus de la Résistance ( comme le MRP ) ou ceux qui s'en réclament ( le Parti communiste, et dans une moindre mesure, la SFIO), le général de Gaulle n'est alors que le Chef d'un gouvernement provisoire. Face à lui, l'Assemblée constituante est reine (les Français lui ont confié le devoir de faire la constitution). Impuissant à imposer ses vues, de Gaulle fait le choix de la démission le 20 janvier 1946. 
Le 19 janvier, je fis convoquer les ministres pour le lendemain, rue Saint Dominique. (...) tous étaient réunis le dimanche 20 au matin dans la salle dite "des armures". J'entrai, serrai les mains et, sans que personne s'assit, prononçai ces quelques paroles : "Le régime exclusif des partis a reparu. Je le réprouve. Mais, à moins d'établir par la force une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience. Il me fait donc me retirer". ( Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, Le Salut, 1944-1946, Plon, 1959). 

Après un temps de silence, le Général prend la parole à Bayeux, le 16 juin 1946 (le premier projet de Constitution, porté par le Pari communiste, a alors essuyé un vote négatif des Français et l'heure est à la formulation d'un nouveau projet. De Gaulle peut donc espérer faire entendre ses conceptions). Dans son discours, il expose un véritable projet constitutionnel avec un exécutif fort, une séparation claire des pouvoirs, germe de ce que sera la Constitution de la Ve République. 
Rien n'y fait... 
Le nouveau projet constitutionnel adopté par l'Assemblée constituante a peu à voir avec les idées défendues par de Gaulle : ce projet envisage en effet un régime dans lequel le législatif, détenu essentiellement par l'Assemblée nationale, aura un rôle majeur. De Gaulle ne désarme pas, il reprend ses idées à Bar-le-Duc, puis à Epinal, espérant obtenir le rejet, par les Français, du projet établi par la Constituante. Mais il n'est pas écouté, puisque le projet emporte l'adhésion des électeurs lors du référendum du 13 octobre 1946. Les institutions de la IVe République sont nées. 
  • Comment rassembler le peuple français?
Dès lors, de Gaulle est dans l'opposition.
Le 14 avril 1947, il lance un mouvement, le Rassemblement du peuple français, dont il souhaite qu'il ne soit pas un parti - ce qui est logique de la part de celui qui dénonce la mainmise des partis sur la vie politique - mais un mouvement, un rassemblement. Il s'agit de regrouper les Français qui se retrouvent sur ses positions, quelle que soit leur appartenance politique. Ce qui signifie en clair que de Gaulle propose la double appartenance : peuvent adhérer au RPF les membres de tous les autres partis politiques ( à l'exception des membres du Parti communiste). L'objectif est simple : par ce rassemblement, par son poids, par la diffusion des idées gaullistes, il faut obtenir le blocage du système parlementaire, et donc la révision constitutionnelle. 
Au dessus des partis... le RPF est d'abord le rassemblement autour de l'homme du 18 juin, de celui qui a permis la renaissance nationale. En témoignent les affiches de propagande du RPF. Aux symboles nationaux - le drapeau, les couleurs nationales -, aux symboles républicains (le bonnet phrygien, la cocarde, Marianne -ici la Marianne du bas-relief de l'Arc de Triomphe), sont mêlés ceux qui rappellent explicitement l'expérience du combat de la France Libre : la Croix de Lorraine, mais aussi les habits du général. L'homme providentiel - de Gaulle - n'est pas même nommé sur certaines affiches, sa figure suffisant à dire la portée de son combat. L'urgence du rassemblement par contre est mise en avant : " Pour en sortir", "Pour le Salut Public"... 
Le message est clair : la France est à nouveau menacée, la Patrie est en danger... Elle est en danger du fait de ses institutions ( il faut en sortir...), lesquelles ne lui permettent pas d'affronter les dangers de l'heure, parmi lesquels le principal est le danger communiste (qui n'apparaît pas sur les affiches). Nous sommes au printemps 1947 et le monde rentre dans la Guerre froide. 
Pendant cette période, chef politique, le général de Gaulle est interdit d'antenne. Il est donc obligé de se déplacer dans toute la France, de Bruneval à Strasbourg, pour faire connaître ses idées. Les armes du RPF sont donc essentiellement les discours prononcés par de Gaulle et les affiches, qui portent le message du RPF et signalent son succès. 
Affiche du RPF, 1947



  • Pour quel résultat? 
Le RPF rencontre immédiatement un succès conséquent. Sa progression, vantée par cette affiche de propagande, est remarquable. Aux élections municipales de l'automne 1947, le RPF rencontre un véritable triomphe dans les villes : treize sur les vingt-cinq plus grandes mairies françaises (Paris, Lille, Marseille, Strasbourg...) sont gagnées par le mouvement. De Gaulle souhaite que le gouvernement prenne acte de ce succès et fasse organiser de nouvelles élections, pour pouvoir mettre en oeuvre son projet constitutionnel. Devant le refus du gouvernement, il est obligé d'attendre les prochaines échéances électorales : les législatives de 1951. 
Pour contrer la double menace qui pèse sur le régime ( menace gaulliste + menace communiste ), le pouvoir instaure un nouveau scrutin qui permet aux formations politiques de se regrouper (si leur regroupement obtient la majorité des voix, alors il emporte la totalité des sièges; c'est le système dit des apparentements, dont l'objectif est de pénaliser les gaullistes et les communistes qui, en aucun cas, ne s'allieront avec une autre formation politique!). Le résultat est mitigé, puisque l'assemblée qui sort des urnes est composée de six formations, et donc presque ingouvernable. Pour le RPF aussi, le résultat est mitigé : le rassemblement gaulliste remporte certes un net succès, avec 121 élus. Mais ce n'est pas suffisant pour abattre le régime. Et les députés gaullistes se retrouvent, de fait, obligés de composer avec le "système" dénoncé par de Gaulle. La consigne d'abstention qui leur est donnée n'est pas toujours suivie. En 1953, le général de Gaulle décide de dissoudre le groupe parlementaire RPF. Les députés gaullistes continuent à siéger, désormais libres de participer au jeu parlementaire, voire de rentrer dans des gouvernements (Par exemple, Jacques Chaban-Delmas rentre dans le gouvernement Mendès-France en 1954). Pour de Gaulle, commence la "traversée du désert". 
Si elle n'est pas parvenue à bloquer le régime et à infléchir les institutions, l'expérience RPF a au moins deux réussites à son actif. D'une part, elle a mobilisé des militants et forgé un encadrement, qui se révélera important et efficace en 1958. D'autre part, elle a fait connaître les thèmes de campagne majeurs du gaullisme : menace communiste, domination des blocs, nécessité d'un Etat fort pour garantir l'indépendance de la France dans le contexte de Guerre froide. Elle a donc contribué à préparer l'opinion à l'éventualité d'un retour du Général sur la scène politique française. 

Sources : 
Site de la Fondation Charles de Gaulle : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/accueil/biographie/1946-1953-le-rassemblement-du-peuple-francais.php
Serge Berstein, Le gaullisme, un courant politique à l'épreuve de l'Histoire, La Documentation photographique n° 8050, 2006.
Article RPF dans le Dictionnaire De Gaulle, Robert Laffont, 2006.