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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

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vendredi 11 novembre 2011

Regards d'écrivains sur l'Allemagne nazie

L'Allemagne nazie ... l'expression évoque d'abord le régime hitlérien, la mise en oeuvre de la Solution finale, une société enrégimentée, un passé difficile à assumer ... Mais l'Allemagne nazie est aussi le foyer d'une résistance ordinaire, d'une résistance des humbles. C'est de cette résistance ordinaire que traite le roman de Hans Fallada, paru en 1947 ( après le décès de son auteur), intitulé Seul dans Berlin ( Jeder stirbt fûr sich allein).

Seul dans Berlin raconte l'itinéraire d'un couple allemand, le couple Quangel, un couple ordinaire, jusque là membre du Parti, dont le fils Otto est parti se battre pour le régime sur le front de l'Est, et qui, peu à peu, bascule dans la remise en cause, accepte l'idée de s'opposer, et passe à l'acte, en l'occurrence, une résistance au quotidien, qui consiste à glisser sous les portes des appartements des messages anti-hitlériens. Pour Primo Levi, Seul dans Berlin est l'un des plus beaux livres sur la résistance antinazie. 


"–Otto est mort Trudel !Du fond du cœur de Trudel monte le même « Oh ! » profond qu’il a eu lui aussi en apprenant la nouvelle. Un moment, elle arrête sur lui un regard brouillé de larmes. Ses lèvres tremblent. Puis elle tourne le visage vers le mur, contre lequel elle appuie le front. Elle pleure silencieusement. Quangel voit bien le tremblement de ses épaules, mais il n’entend rien.« Une fille courageuse ! se dit-il. Comme elle tenait à Otto !… A sa façon, il a été courageux, lui aussi. Il n’a jamais rien eu de commun avec ces gredins. Il ne sest jamais laissé monter la tête contre ses parents par la Jeunesse Hitlérienne. Il a toujours été contre les jeux de soldats et contre la guerre. Cette maudite guerre !… »Quangel est tout effrayé par ce qu’il vient de penser. Changerait-il donc, lui aussi ? Cela équivaut presque au « Toi et ton Hitler » d’Anna.Et il s’aperçoit que Trudel a le font appuyé contre cette affiche dont il venait de l’éloigner. Au-dessus de sa tête se lit en caractère gras :AU NOM DU PEUPLE ALLEMANDSon front cache les noms des trois pendus.Et voilà qu’il se dit qu’un jour on pourrait fort bien placarder une affiche du même genre avec les noms d’Anna, de Trudel, de lui-même… Il secoue la tête, fâché… N’est-il pas un simple travailleur manuel, qui ne demande que sa tranquillité et ne veut rien savoir de la politique ? Anna ne s’intéresse qu’à leur ménage. Et cette jolie fille de Trudel aura bientôt trouvé un nouveau fiancé…Mais ce qu’il vient d’évoquer l’obsède :« Notre nom affiché au mur ? pense-t-il, tout déconcerté. Et pourquoi pas ? Etre pendu n’est pas plus terrible qu’être déchiqueté par un obus ou que mourir d’une appendicite… Tout ça n’a pas d’importance… Une seule chose est importante : combattre ce qui est avec Hitler… Tout à coup, je ne vois plus qu’oppression haine, contrainte et souffrance !… Tant de souffrance !… « Quelques millier » , a dit Borkhausen ce mouchard et ce lâche… Si seulement il pouvait être du nombre !… Qu’un seul être souffre injustement, et que, pouvant y changer quelque chose, je ne le fasse pas, parce que je suis lâche et que j’aime trop ma tranquillité… »Il n’ose pas aller plus avant dans ses pensées. Il a peur, réellement peur, qu’elles ne le poussent implacablement à changer sa vie, de fond en comble.Au lieu de cela, il contemple de nouveau ce visage de jeune fille au-dessus duquel on lit AU NOM DU PEUPLE ALLEMAND. Elle ne devrait pas pleurer ainsi, appuyée justement à cette affiche !… Il ne peut résister à la tentation ; il écarte son épaule du mur et dit, aussi doucement qu’il peut :–Viens, Trudel. Ne reste pas appuyée contre cette affiche !Un moment, elle regarde sans comprendre le texte imprimé. Ses yeux sont de nouveau secs, ses épaules ne tremblent plus. Puis la vie revient dans son regard. Ce n’est plus un éclat joyeux, comme lorsqu’elle s’avançait dans ce couloir ; c’est un feu sombre, à présent. Avec fermeté et douceur à la fois, elle pose la main à l’endroit où se lit le mot « pendaison » :–Je n’oublierai jamais, dit-elle, que c’est devant une de ces affiches que j’ai sangloté à cause d’Otto… Peut-être mon nom figurera-t-il aussi un jour sur un de ces torchons.Elle le regarde fixement. Il a le sentiment qu’elle ne comprend pas toute la portée de ce qu’elle dit. (Pages 34-36)



Hans Fallada - de son vrai nom Rudolf Ditzen - est un écrivain allemand né en Poméranie. Il a travaillé dans l'agriculture, l'édition, le journalisme, avant de pouvoir vivre de sa plume. C'est son deuxième roman : Kleiner Mann, was nun ? ( Et puis après? ), publié en 1932, qui lui confère une notoriété internationale. Le roman évoque l'itinéraire d'un jeune comptable, besogneux et honnête, que la crise économique fait plonger dans l'engrenage du chômage et de la misère. Avec ce roman, Fallada/Ditzen devient un chef de file du mouvement réaliste de la Neue Sachlichkeit ( mouvement qui compte des écrivains allemands tels Erich Kästner, Erich Maria Remarque)
Avec la prise de pouvoir de Hitler ( 1933), Fallada se retire sur ses terres de Feldberg ( Mecklembourg) où il se tient à l'écart de la vie publique. En 1944, il entame la rédaction de son roman Der Trinker ( Le Buveur) qui rappelle le parcours de l'auteur, lui-même alcoolique et morphinomane. 


Pour en savoir plus sur l'auteur ( site en anglais ) 

Sources : 
http://mondalire.pagesperso-orange.fr/seul_dans_berlin.htm#hp
http://kirjasto.sci.fi/hfallada.htm

lundi 7 novembre 2011

1970, Willy Brandt à Varsovie

Kniefall von Warschau ( la génuflexion de Varsovie). Willy Brandt s'agenouille devant le monument commémorant le soulèvement du ghetto de Varsovie

En 1970, le voyage de Willy Brandt (chancelier de la RFA depuis 1969) à Varsovie peut être considéré comme un symbole fort de la détente entre l'Est et l'Ouest, entre le bloc occidental et le bloc communiste

(Source : wikipedia, article ligne Oder-Neisse)
En effet, l'objectif du voyage est la reconnaissance par la RFA de la frontière du territoire allemand avec la Pologne. Cette frontière, fixée provisoirement en 1945 sur la ligne Oder-Neisse, a été reconnue par la RDA( accords de Görlitz de 1950), mais jamais par la RFA. En reconnaissant la ligne Oder-Neisse comme frontière entre l'Allemagne et la Pologne, le chancelier ouest-allemand oeuvre donc dans le sens d'une normalisation des relations entre l'ouest ( la RFA ) et l'est ( la démocratie populaire qu'est la Pologne). C'est la porte ouverte à une normalisation des relations entre RFA et RDA - normalisation qui se traduira en actes par le règlement du statut de Berlin (1971), puis, par la reconnaissance mutuelle des deux Allemagnes, et donc leur entrée à l'ONU (1973).  Le voyage en Pologne a donc des conséquences territoriales - acceptation de la carte de l'Europe issue de la Seconde Guerre mondiale - et diplomatiques. Il s'inscrit dans une politique originale de rapprochement de la RFA avec l'URSS, désignée sous le nom d'Ostpolitik.

Dans le même temps, le voyage en Pologne signe la reconnaissance par l'Allemagne des crimes perpétrés - par l'Allemagne nazie - sur le territoire polonais : génocide des juifs polonais, répression du soulèvement du ghetto de Varsovie. Cette reconnaissance n'est pas de l'ordre du discours, elle est implicite : en s'agenouillant devant le monument qui commémore le soulèvement du ghetto de Varsovie, Willy Brandt demande, de fait, pardon. 






Pour en savoir plus sur la portée et le sens de ce moment historique : 
Pour en savoir plus sur l'Ostpolitik : 
http://bricabraque.unblog.fr/2009/11/03/lostpolitik/

vendredi 16 septembre 2011

L'Allemagne en 1949, toile de fond d'un roman policier



L'écrivain écossais Philip kerr a créé le personnage de Bernie Gunther dans La trilogie berlinoise ( qui regroupe trois romans publiés dans les années 1989-1991 : L'été de cristal, la pâle figure et Un requiem allemand). Bernie Gunther est alors un policier de Berlin, membre de la SS, qui fait le choix de devenir détective privé. Dans le Berlin des années 30, les personnes disparues ne manquent pas. Les enquêtes du détective évoquent l'ambiance du Troisième Reich, les rues "nettoyées" pour offrir une image idyllique aux visiteurs des Jeux Olympiques de 1936. 
Suite de la trilogie berlinoiseLa mort, entre autres, se situe dans l'après-guerre, en 1949, entre Munich, Vienne et Garmisch-Partenkirchen. L'Allemagne est occupée et devient le théâtre privilégié de l'affrontement qui oppose les anciens Alliés, américains et soviétiques, dans le cadre de la Guerre froide. Comme dans ses romans précédents, Philip Kerr mêle la fiction et les personnages historiques ( ici, Adolf Eichmann). 
A la demande d'une cliente, le détective part à la recherche de son époux, un nazi recherché pour crimes contre l'humanité. L'enquête - absolument fictive -, pleine de rebondissements, permet d'interroger l'attitude des puissances occupantes dans l'ex-Reich, et particulièrement la manière dont a été conduite - ou non - la dénazification. Le roman évoque en effet la fuite des nazis vers l'Amérique latine, les soutiens qu'ils ont pu trouver auprès de l'Eglise, des Alliés, des réseaux occultes d'anciens nazis. Il pose aussi la question du regard porté par les anciens bourreaux sur leurs crimes. 
La mort, entre autres, est un excellent roman policier. Et, sous couvert de roman policier, il offre un tableau documenté et sensible de l'après-guerre en Allemagne. Enfin, il pose des questions essentielles : quel(s) rapport(s) celui qui a vécu l'Allemagne nazie entretient-il avec son passé? Quelle part pour la morale, pour le droit, lorsque la logique politique prime? Ces questions de la mémoire, de la dignité, de la conscience, innervent tout le roman,avec une finesse qu'explique peut-être l'itinéraire de l'auteur, ancien avocat passionné de philosophie. 


Pour aller plus loin :  
Le Magazine Littéraire : l'actualité des livres, des critiques et des écrivains

jeudi 15 septembre 2011

La conférence de Yalta (1)


Cette petite video a le mérite d'aller à l'essentiel : Quand? Qui? Quels objectifs? quelles décisions? 
Ce sont les mêmes questions qui doivent être posées pour toutes les conférences qui sont étudiées au programme de Terminale ( Postdam, San Francisco, pour ne citer que celles qui marquent l'année 1945). 

vendredi 9 septembre 2011

Composition : Le monde en 1945

Un sujet de composition : 


Le monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale- 1945 : bilan de la guerre et nouveaux rapports de forces.

Chronologie indicative :
7-8 mai 1945 Capitulation sans conditions du IIIe Reich.
                      Cinquante millions de « personnes déplacées » en Europe.
26 juin           Conférence de San Francisco : fondation des Nations Unies
juillet             Conférence de Postdam. Découpage des zones d’occupation en Allemagne
6-9 août         Bombes atomiques sur le Japon
Août              reprise de la guerre civile en Chine
2 septembre   Capitulation du Japon
20 octobre     Ouverture du Procès de Nuremberg
Novembre     Premières élections en Europe.

La composition proposée porte sur le premier chapitre du programme vu en Terminale. Le sujet est classique. Il porte sur une seule année, c'est un sujet-tableau, et donc le plan attendu est forcément un plan thématique ( plusieurs thèmes sont successivement traités). Les connaissances à maîtriser appartiennent à un seul chapitre, il n'y a donc pas de difficulté liée au recoupement de chapitres ( comme c'est souvent le cas pour des sujets portant sur de longues périodes).
☛La difficulté vient de l'intitulé du sujet :
Premier risque : Les limites chronologiques sont nettement données ( on sait d'emblée qu'il ne faut pas traiter l'avant-1945 et par ailleurs qu'il faut se garder de déborder - en évoquant par exemple la période 1945-1947). Ici, le sujet suggère - par la mention des premières élections en Europe en 1945 - que l'on souhaite voir évoqué le basculement possible vers la Guerre froide, mais il ne faut pas le traiter en tant que tel.
Deuxième risque : après l'énoncé du coeur du sujet ( Le monde au lendemain de la Seconde Guerre mondiale-1945), l'intitulé cherche à le préciser ( ce qui part d'une bonne intention, puisque ce sujet est très vaste!). Mais ce faisant, il mentionne deux aspects  (bilan de la guerre / nouveaux rapports de force ) qui ne devraient pas être dissociés. En effet, le mot ET ne doit pas être oublié. Il invite à RELIER les deux aspects. Le second écueil consisterait à les traiter l'un après l'autre ( I. Le bilan de la guerre, II. De nouveaux rapports de force). Puisque le mot invite à une mise en relation, il faut s'y tenir et ce n'est pas forcément évident. Par contre, une bonne lecture de l'énoncé permet de trouver rapidement la problématique suggérée : En quoi le bilan de la guerre est-il porteur de nouveaux rapports de force?
La difficulté vient aussi de la chronologie.  
Une chronologie donne le sentiment au candidat qu'elle va permettre de pallier ses éventuelles défaillances de mémoire. C'est vrai et faux à la fois. 
Vrai, parce que les chronologies proposées ne comportent pas d'erreur ( en tous cas intentionnelle). Donc, la chronologie permet de remettre en mémoire, et sa lecture attentive aide à préciser les thèmes. Par exemple, la mention de la bombe atomique signale l'importance du bilan humain mais aussi moral du conflit. Elle invite aussi le candidat à penser au fait que les Etats-Unis sont alors en situation de monopole nucléaire. 
Mais c'est aussi faux puisque la chronologie n'est pas exhaustive : certains événements majeurs ne sont pas mentionnés. Ici, le plus marquant est l'absence de la conférence de Yalta. Le candidat qui s'appuie sur la chronologie - au pire, en énumérant les événements qu'elle contient sans rien expliquer et de manière énumérative - sans mobiliser des connaissances personnelles  est rapidement repéré... Donc, la chronologie est une aide à la construction du plan, en aucun cas elle ne remplace la bonne maîtrise du cours! Elle est seulement indicative. 
Ce qui précède démontre que la réflexion sur le sujet est essentielle.
Passage de relais entre l'année 1945 et l'année 1946
Caricature allemande de Leffe
Analyser le sujet proposé conduit à proposer le plan suivant ( ✓il n'y a évidemment pas qu'un seul plan possible), qui conviendrait pour tout sujet portant sur l'année 1945, à l'échelle mondiale, et invitant à mettre en parallèle le bilan du conflit et les rééquilibrages et espoirs qu'il autorise ( EX : 1945 : Bilan de la guerre et mise en place d'un nouvel ordre mondial) :
I. Ruines et réorganisation économique
1. Un bilan économique contrasté
2. Quel nouvel ordre économique?
II. Bilan humain et changement de valeurs
1. L'Europe compte ses morts
2. La guerre, un combat idéologique : la victoire doit avoir un sens
3. Le jugement des responsables
III. Nouveau monde et rééquilibrage des puissances
1. Deux super-puissances
2. Une Europe sous influence
3. L'ONU et le rêve d'un monde nouveau
Comme les titres de chacune des parties le montrent, ce plan prend en compte le ET de l'intitulé, et le décline dans chacune des parties, lesquelles sont centrées chacune sur un thème précis : la dimension économique ( placée en premier car c'est sans doute celle sur laquelle il y aura le moins de choses à dire), la dimension humaine, puis la dimension géopolitique, laquelle, évoquée en dernier, permet d'évoquer le glissement vers la Guerre froide. 

dimanche 29 mai 2011

L'Allemagne et son passé nazi


Ordnung und Vernichtung  (Ordre et extermination), 

A Berlin, une exposition intitulée "Ordre et extermination" est consacrée au rôle de la police allemande. Elle témoigne non seulement de l'avancée des connaissances historiques relatives au IIIe Reich et aux instruments de la terreur, mais aussi de la volonté des Allemands d'affronter leur passé. 
L’exposition berlinoise porte sur le rôle de la police sous le IIIe Reich, bras armé du régime en Allemagne même, mais aussi et surtout exécutante de la « solution finale » en Europe centrale et orientale. Des biographies de suiveurs mais aussi d’objecteurs montrent qu’il était tout à fait possible de « résister ». Enfin, un volet de l’exposition, intitulé « Un nouveau départ mais pas une année zéro », est consacré à la lenteur avec laquelle, à partir de 1945, le travail de mémoire sur ce point particulier se mettait en place.


  • La police allemande : une histoire sombre désormais connue
Entre 1933 et 1945, non seulement la Gestapo (police secrète d’État), mais aussi l’Ordnungspolizei (police régulière en uniforme, chargée du maintien de l’ordre) et la Kriminalpolizei (police criminelle) ont joué un rôle majeur dans la mise en oeuvre du programme nazi. 

Humiliation publique de Christine Neemann et Julius Wolff - avec un écriteau autour du cou « Je suis un profanateur de la race », à Norden le 22 juillet 1935



Dès 1933, les policiers ont tout fait pour appliquer par la force l’idéologie nazie, ou ce que beaucoup d’entre eux tenaient pour telle.  La photographie proposée ci-dessus (humiliation publique, Norden - frise orientale -, juillet 1935) témoigne de cet empressement de la police allemande à devancer les ordres. A la date de cette photographie, les lois de Nuremberg ne sont pas votées...  Pourtant, la police soutient - et participe - à une humiliation publique de "profanateurs de la race". Flanqué de deux agents de police, l'homme porte au cou un écriteau "Je suis un profanateur de la race", sa femme, tête basse, est aussi exposée aux badauds. En septembre 1935, la "loi sur la protection du sang allemand et de l'honneur allemand" (lois de Nuremberg) interdit le mariage et même les relations extraconjugales entre Juifs et citoyens de sans allemand. Des sanctions pénales sont prévues pour les contrevenants : la "Rassenschande" ("honte raciale" ou crime de race) est passible de 15 ans d'emprisonnement.
Marseille, 1943, bataillon de police sécurisant l'acheminement de Juifs vers les camps
Lorsque la guerre éclate, des « bataillons de police » composés de fonctionnaires et de réservistes de la police sont créés. 125 bataillons de cinq à six cents hommes sont chargés de maintenir l’ordre dans les pays occupés. Ils forment 25 à 30 % des effectifs totaux de l’Ordnungspolizei. En Europe centrale et orientale, ils participent activement au massacre des Juifs et d’autres catégories de population, et notamment à l’extermination de tout un village tchèque, Lidice. De source judiciaire, 520 000 morts au moins leur sont imputables ; le nombre réel de leurs victimes est probablement plus proche du million.
En outre, à partir de 1941, l’Ordnungspolizei a été investie d’une nouvelle mission : la surveillance des trains de déportés en route vers les camps d’extermination. Une mission qu’elle a assurée en toute connaissance de cause. 
  • Une histoire qui s'est faite lentement...
Pendant une bonne quarantaine d’années, de nombreux Allemands sont restés persuadés qu’entre 1933 et 1945, la police remplissait avant tout ses missions habituelles. Ce qu’elle a effectivement fait, mais elle était aussi l’un des bras armés du régime nazi, comme le montrent sans ambiguïté les travaux récents.
Dans les années 1990, les Allemands accélèrent le travail de mémoire sur ce sombre chapitre de l’histoire de la police allemande, le poursuivant assidûment à l’échelle locale et régionale. En 2008, les ministres de l’intérieur des Länder et du gouvernement fédéral décident de lancer le projet « La police de l’État nazi », pour faire la synthèse de tous ces travaux. Il se compose de trois volets : l' exposition à l’intention du grand public, présentée au Musée historique de Berlin du 1er au 31 juillet, intitulée "Ordre et Extermination" ; la production de matériels éducatifs sur le thème « La police dans l’Allemagne nazie », et enfin l’élaboration d’un module de présentation destiné aux expositions permanentes des écoles de la police régionale et de la police fédérale. Le projet est placé sous l’autorité de l’Académie allemande de police de Münster, l’exposition est organisée en coopération avec le Musée historique de Berlin.

Pour en savoir plus, voir les extraits de l'émission consacrée à la police allemande, ARTE, (Allemagne, 2010, 52mn) RBB/ARTE
Réalisateur: Frank Gutermuth, Holger Hillesheim, Sebastian Kuhn, Wolfgang Schoen

Sources
http://www.arte.tv/fr/731350,CmC=3782002.html
Christopher R. BROWNING, Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la solution finale en Pologne, traduit de l'anglais par Elie Barnavi, préface de Pierre Vidal-Naquet, Paris, Les Belles Lettres, Collection Histoire, 1994, 284 p.
Reinhard Rürup, Topographie de la terreur : Gestapo, SS et Office central de sécurité du Reich sur le "terrain Prinz-Albrecht", Documentation, Berlin, Verlag Willmuth Arenhövel, 2002.

vendredi 20 mai 2011

le massacre de Nankin au cinéma

John Rabe, l'histoire d'un nazi devenu le "juste de Nankin"...
Un film allemand de Florian Gallenberger, sorti en France avril 2011
L'HISTOIRE : 1937. Installé à Nankin, John Rabe est à la tête de l’antenne chinoise de la firme Siemens. Débonnaire et manichéen, il croit fermement à sa mission et au parti nazi. Lorsque les forces impériales japonaises encerclent la ville, le manageur allemand ne se doute pas que les alliés du troisième Reich ont choisi cette bataille pour démontrer leur puissance, en point d’orgue de leur guerre de conquête. Elles s’apprêtent à massacrer sciemment la population de Nankin. Déjà ébranlé par sa mutation soudaine à Berlin et le démantèlement des infrastructures Siemens en Chine, le travail de toute une vie, il choisit peu à peu la désobéissance et tente avec quelques membres de la communauté étrangère de sauver le plus grand nombre de vies
Allemagne, Chine, Japon, aux prises avec leur passé...
Le massacre de Nankin, longtemps occulté, commence à apparaître dans diverses œuvres littéraires jusqu'à son illustration frontale l'an dernier par Lu Chuan ( réalisateur chinois) dans l'effroyable City of Life and Death. Aujourd'hui c'est un autre peuple meurtri qui fait un geste de paix avec son passé. L'Allemagne célèbre John Rabe, un de ses plus grands héros, un héros appartenant au mouvement nazi et qui sauva quelques 250000 chinois à Nankin justement. Un sujet délicat pour Florian Gallenberger, courageux de l'aborder pour son second film. Un nazi qui sauve des milliers de personnes, d'abord pour maintenir son entreprise en activité avant d'en donner les rênes à son successeur, puis par pure humanité. 


Le massacre de Nankin, point d'orgue de la guerre sino-japonaise

Le massacre de Nankin est perpétré pendant la guerre sino-japonaise commencée en 1931. Au Japon, l'empereur Hiro-Hito a laissé les généraux prendre la réalité du pouvoir. La Chine est quant à elle déstabilisée par la lutte que se livrent les nationalistes ( menés par Tchang Kaï Tchek) et les communistes ( menés par Mao). C'est dans ce contexte que le Japon décide l'invasion de la province chinoise de Mandchourie. En juillet 1937, le Japon - qui a alors le soutien de l'Allemagne hitlérienne et bénéficie de l'attentisme des occidentaux - se lance dans la conquête de toute la Chine. En quelques mois, les Japonais occupent près d'un million de kilomètres carrés peuplés de 60 millions d'habitants. Ils mettent en oeuvre une politique de terreur systématique pour tenter d'abattre la résistance intérieure. Les massacres deviennent la règle. Ils atteignent leur maximum avec la prise de Nanjing (Nankin en graphie ancienne), ancienne capitale de la Chine et siège éphémère du gouvernement de Tchang Kaï-chek. 
Le 10 décembre, les Japonais ont envoyé un ultimatum aux troupes qui défendent la ville. Celle-ci est abandonnée  à son sort par les troupes de Tchang Kaï-Tchek. Ceux qui tentent de quitter la ville ( soldats, civils) en traversant le fleuve sont tués par la flotte japonaise. Enfin, après un pilonnage de 3 jours, les Japonais entrent dans la ville le 13 décembre 1937. Confiants, les soldats chinois se laissent désarmer et se rendent par unités entières. Ceux qui ne se rendent pas spontanément sont traqués. Les Japonais arrêtent dans la rue tous les hommes en âge de combattre et suspects d'avoir porté une arme ou un casque. Le commandement nippon craint alors d'être submergé par la grande masse des prisonniers dans une ville a priori hostile. Il ordonne le massacre des prisonniers, contre toutes les lois de la guerre. Celui-ci s'opère froidement, à la baïonnette, au sabre ou plus souvent encore à la mitrailleuse, sur des malheureux liés entre eux par groupes d'une douzaine. On évalue entre 30.000 et 60.000 le nombre de soldats tués de la sorte dans les premiers jours. Puis vient le massacre des fonctionnaires ; enfin, la terreur frappe tous les habitants de la ville dans les semaines qui suivent. Des femmes sont enlevées et victimes de viols collectifs.  Au total, les victimes du massacre de Nankin sont estimées à plus de 100 000 ( les autorités chinoises avancent un chiffre plus élevé, entre 200 et 300 000). 


Sources :
Nicolas GILLI, critique du film "John Rabe" proposée sur le site Excessif. com : http://www.excessif.com/cinema/critiques/critique-john-rabe-6408215-760.html#
http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19371213 ( article : 13 décembre 1937, les Japonais s'emparent de Nankin)

mardi 17 mai 2011

Allemagne, 1919 : la légende du coup de poignard dans le dos


  • L'armistice du 11 novembre 1918 : le jour de gloire, côté français...
La "Une" du Petit Parisien, 12 novembre 1918
Côté français, la demande d'armistice est imposée par le chef du gouvernement, Georges Clémenceau, et le généralissime des troupes alliées, Ferdinand Foch. C'est d'ailleurs dans le wagon spécial de Foch, au carrefour de Rethondes, dans la forêt de Compiègne, que l'armistice est signé, le 11 novembre, à 5h15 du matin. 
Le président de la République (Poincaré) mais aussi le général Philippe Pétain penchaient pour une poursuite des combats, de façon à chasser les Allemands de Belgique et même d'envahir l'Allemagne. Contre cette poursuite des combats, l'épuisement des soldats, mais aussi des populations, a plaidé pour la solution de l'armistice. 
  • Côté allemand, la résignation...?
Côté allemand, l'armistice qui met provisoirement fin aux hostilités est négocié dans des conditions particulièrement difficiles. Les militaires ne veulent pas croire à la réalité de la défaite et refusent la cessation des hostilités - d'où le fait que ce soit un civil (Matthias Erzberger) qui soit en charge de la négociation côté allemand-, le gouvernement impérial s'est effondré (Guillaume II a abdiqué), et le pays est en proie à une vive agitation. 

"Das kleine Journal" du 11 novembre 1918 ( le petit Journal, journal berlinois) reprend l'information de manière neutre. Il titre simplement : " Acceptation des conditions de l'armistice" (Annahme des Waffenstillstandsbedingungen), rapporte les scènes de fraternisation (Verbrüderungsszenen) entre soldats. 
L'armistice, conclu pour 36 jours, ( mais régulièrement renouvelé jusqu'à la signature du traité de paix en juin 1919), impose à l'Allemagne des conditions très dures : livraison de l'essentiel de l'armement, de l'aviation et de la flotte de guerre ; évacuation des territoires envahis à l'ouest sous 15 jours ; évacuation de la rive gauche du Rhin sous 30 jours ; libération sans réciprocité des prisonniers de guerre alliés... 
  • ...ou la recherche d'un responsable : la légende du coup de poignard dans le dos (Dolchstosslegende)

Hindenburg et Ludendorff
Les conditions de l'armistice préviennent toute reprise des combats : elles peuvent ainsi être assimilées à une capitulation imposée à l'armée allemande ( c'est le sens qu'il faut donner à l'emploi du mot "capitulation" dans la presse française). En n'ayant pas signé l'armistice, et en ayant laissé cette responsabilité à un civil, les chefs militaires allemands - Paul von Hindenburg, Erich Ludendorff - ont au contraire voulu éviter aux militaires, à l'armée allemande, - et à eux-mêmes - de porter la responsabilité de la défaite. 
Qui alors? Comment l'Allemagne qui croyait à la victoire peut-elle admettre que celle-ci lui ait échappé? Impossible de mettre en cause l'armée, comme en témoigne l'accueil réservé aux soldats démobilisés à leur retour en Allemagne : "Soldats qui revenez invaincus"...
Dès la fin 1918, l'idée s'impose largement selon laquelle c'est le pouvoir civil, désormais incarné par la toute jeune République, et, en son sein, par les socialistes, qui porte la responsabilité de la défaite. Sans cette trahison de l'intérieur - des populations civiles, des esprits échauffés par la perspective d'un changement révolutionnaire, des démocrates - l'Allemagne aurait vaincu. C'est d'ailleurs clairement ce que Ludendorff et Hindenburg laissent entendre devant le comité d'enquête allemand qui cherche à établir les responsabilités des dignitaires allemands dans la défaite (fin 1919). Devant cette assemblée, le vieux maréchal Hindenburg déclare en effet : " L'armée allemande a reçu un coup de poignard dans le dos". Après les débats, les militaires sont lavés de tout soupçon et leur action militaire à l'ouest est même qualifiée de performance... La défaite est bien à mettre au compte des civils et des politiciens.
Entre-deux, la légende du coup de poignard s'est enrichie d'une dimension antisémite, comme en témoigne ce dessin paru en 1919 dans la presse allemande et repris dans la presse autrichienne. Un soldat avec un casque d'acier, dans une tranchée, regarde vers l'Ouest et semble prêt à faire feu. Il symbolise l'Armée allemande, invaincue à la fin de la guerre. Dans son dos se tient une femme ignoble, revêtue d'un bonnet - le bonnet phrygien des républicains français? - sur lequel apparaît une étoile de David. Armée d'un couteau, elle s'apprête à poignarder dans le dos le vaillant soldat. Elle représente la démocratie, soit la République de Weimar, soutenue par les Juifs. Ce qui signifie que la République, la démocratie, ont empêché l'armée allemande de vaincre ( légende du coup de poignard dans le dos). Et, si elles l'ont fait, c'est parce que les Juifs - apatrides, dénués de sentiment national - ont cherché la mort de la Nation allemande...
La légende qui attribue la défaite militaire aux politiciens, aux républicains, pire, aux socialistes et à la bourgeoisie cosmopolite, voire aux Juifs, se répand comme traînée de poudre dans une population allemande meurtrie et humiliée par la défaite. Cette légende va faire le lit des partis ultranationalistes, et particulièrement du parti nazi. 
Sources :
Site Hérodote : http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19181111.
Wikipedia, article Paul von Hindenburg.
Site "mémoire juive et éducation " : http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/antisemitisme.htm
Jardin Pierre, "La légende du «coup de poignard» dans les manuels scolaires allemands des années 1920", Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°41, janvier-mars 1994. pp. 39-50.

lundi 2 mai 2011

Le traité de Versailles, regards franco-allemands

Le 28 juin 1919 est signé dans la galerie des glaces de Versailles le traité qui doit mettre un point final aux hostilités entre les nations alliées et l'Allemagne.

Côté allemand, le traité - qui n'a pu être l'objet de négociations, l'Allemagne, vaincue, n'ayant pas été invitée à la Conférence de la Paix -, est un diktat. Une dictée dont les vainqueurs ont imposé le texte aux vaincus, une partition imposée donc, qui impose à l'Allemagne des conditions inadmissibles : pertes territoriales (perte de ses colonies, de l'Alsace Lorraine, démembrement qui détache la Prusse orientale du reste du territoire...), démilitarisation, réparations... Parce que l'Allemagne est posée comme seule responsable du conflit, elle doit en payer le prix, donc "réparer" : la commission des réparations fixera à 132 milliards de marks-or le montant des sommes à verser par l'Allemagne. 
La caricature de Hans Lindoff - publiée alors que le montant des réparations n'est pas encore connu, les Alliés, et particulièrement la France, bénéficiant alors de réparations "en nature" : la propriété des mines de charbon de la Sarre est ainsi transférée à la France au titre des dommages de guerre - traduit le sentiment de mépris des vainqueurs à l'égard d'un vaincu démuni, auquel on demande un dépouillement total, jusqu'au dénuement, et à l'humiliation... De manière significative, le vainqueur n'est pas montré, juste suggéré par sa main, qui pointe - imperturbablement - les vêtements dont l'Allemagne doit se départir. Le vainqueur est par ailleurs faussement poli ("Ton pantalon, s'il te plaît") mais parfaitement stupide (comment vider les poches d'un pantalon que l'on ne porte plus?). 
Si le regard porté sur la France et ses exigences n'est pas tendre, il faut noter que la représentation de l'Allemagne - soumise - ne l'est pas non plus. En 1920, de nombreux Allemands souscrivent à la thèse selon laquelle l'armée allemande n'a pas démérité. La responsabilité de la défaite incombe au pouvoir civil, qui a, lâchement, accepté les conditions des vainqueurs.
(Le traité de Versailles a été soumis à la délégation allemande, menée par le président socialiste de la toute jeune République allemande, Ebert. De même, c'est Ebert qui, en novembre 1918, alors que le régime impérial allemand venait de s'éffondrer, a donné l'ordre à la délégation allemande de signer l'armistice de Rethondes).


Côté français, la légitimité du traité ne se pose pas, non plus que la nécessité de faire "payer" l'Allemagne. Mais les caricaturistes laissent entendre que cela ne sera pas chose aisée, puisque l'Allemagne joue la "Komedie de la Misère". Sur cette caricature parue en mai 1921, Marianne est confrontée à Germania, la France à l'Allemagne. Tout les oppose : la posture - élégance et tenue d'un côté, avachissement, négligence et embonpoint de l'autre - , comme les valeurs : à l'interrogation muette de Marianne - qui traduit la légitimité de son attente - répond la mascarade jouée par Germania, qui, de sa cape noire, entend masquer l'activité productive et la richesse allemande. Son casque à pointe lui-même s'est transformé en chapeau de carnaval... La France campe sur ses positions, elle a le droit pour elle. L'Allemagne incarne la fourberie - la légende de la caricature invite Marianne, et le lecteur...  à la méfiance -, ses paroles ne sont que nuages de fumée.

Michel et Germania sont les deux allégories nationales de l'Allemagne. 
Michel est une figure ancienne qui a singulièrement évolué dans le temps : initialement, Michel représentait la vaillance allemande. Avec le temps ( au 19è siècle), il est devenu un petit bourgeois naïf et méprisable, reconnaissable à son éternel bonnet de nuit. D'où le fait qu'il soit rarement utilisé par les caricaturistes français pour représenter l'Allemagne : comment rendre redoutable un personnage aux allures de nigaud? Le choix de Michel, sous la plume d'un caricaturiste allemand, trahit une vision négative de l'Allemagne. Ici, Michel représente l'Allemagne qui a abdiqué...
Germania s'est par contre imposée comme l'allégorie de l'Allemagne. En Allemagne, l'affirmation d'une figure féminine nommée Germania a accompagné le processus d'émergence de l'identité nationale. Dans la caricature française, elle emprunte avant la guerre de 14 à la mythologie wagnérienne : elle est une Walkyrie, avec un casque ailé, un bouclier, une lance... Pendant la Guerre, cette image se déforme et s'enlaidit, et finit par représenter l'Allemande (l'image de l'Allemande dans l'imaginaire nationaliste français) : une femme aux traits grossiers, au visage austère et joufflu, au fort embonpoint, mal fagotée... en somme, l'inverse de Marianne, au charme enjôleur, à la vive silhouette, et à l'élégance... toute française!
Pour en savoir plus
Christian Delporte, "Méfions nous du sourire de Germania! L'Allemagne dans la caricature française (1919-1939)", Mots, 1996, vol.48, n°48, p.33-54.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1996_num_48_1_2098

mercredi 27 avril 2011

L'Allemagne après le traité de Versailles, 1919


Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 par les plénipotentiaires allemands, modifie profondément la carte de l'Allemagne, qui perd 1/8e de son territoire. 

L'Allemagne, considérée comme responsable de la guerre, n'a pu participer aux négociations. Le traité lui est donc imposé au sens propre, puisqu'elle ne peut en discuter les conditions. De plus, les conditions de l'armistice signé le 11 novembre 1918 à Rethondes ont créé un rapport de force particulièrement défavorable à l'Allemagne. En effet, par cet armistice, l'Allemagne - alors en pleine (r)évolution politique, la toute jeune République venant à peine de s'installer - doit fournir des livraisons considérables de matériel de guerre et de moyens de transport et libérer (sans réciprocité) les prisonniers de guerre alliés. Un délai de 15 jours lui a été donné pour évacuer tous les territoires envahis à l'ouest, ainsi que l'Alsace-Lorraine ; un délai de 30 jours, pour l'évacuation de la rive gauche du Rhin ainsi qu'une bande de 10 kms à l'est du Rhin. Par ces conditions, les Alliés se sont assurés que l'Allemagne ne pourrait reprendre le combat. Démunie, elle ne peut qu'accepter les conditions qui lui sont faites par le traité de Versailles qui met un terme définitif au conflit, 7 mois après l'armistice. 

La carte de la nouvelle Allemagne distingue plusieurs cas de figures. 
Des territoires ont été enlevés au Reich ( appellation peu heureuse ici, puisque l'empereur Guillaume II a dû abdiquer en novembre 1919, la République succédant à l'Empire) : Alsace-Lorraine restituée à la France (qui avait perdu ces territoires à l'issue du conflit de 1870/71), Prusse occidentale et Posnanie venant grossir le territoire dévolu à la Pologne reconstituée. La re-création d'une Pologne avec accès à la mer a des conséquences majeures sur le territoire allemand, qui se retrouve coupé en deux : la Prusse orientale est séparée du reste du territoire allemand. Les risques de tension sont tels que la ville de Dantzig ( Gdansk) est considérée comme "ville libre" : ni allemande, ni polonaise, mais placée sous tutelle de la SDN.  
D'autres territoires sont placés sous administration de la SDN, et doivent faire l'objet de plébiscites, ce qui est une façon de reporter la décision à une date ultérieure. Ainsi, la Sarre est placée sous administration de la SDN pour 15 ans (à compter de janvier 1920). LA consultation sera organisée au terme de ces 15 ans, et, à cette date, les habitants de la Sarre auront à se prononcer sur : le maintien de l'administration internationale (rester sous la coupe de la SDN), le rattachement à l'Allemagne, le rattachement à la France. En janvier 1935, lorsque le plébiscite a été organisé, plus de 90% des habitants se sont prononcés pour le rattachement à l'Allemagne.
Des territoires, situés à la frontière de la France et de la Belgique, sont l'objet d'une occupation étrangère, destinée tant à s'assurer du désarmement qu'à surveiller le bon versement des réparations. 
Enfin et surtout, une zone démilitarisée a été définie à la frontière occidentale de l'Allemagne, pour prévenir toute nouvelle tentative d'invasion. La rive gauche du Rhin est démilitarisée, ainsi qu'une bande d'une cinquantaine de km sur la rive droite. Dans ces territoires, il est formellement interdit à l'Allemagne de faire circuler des troupes, tout mouvement de troupes étant alors considéré comme une violation du traité, partant comme une entrée en guerre.

mardi 26 avril 2011

La réunification allemande, 20 ans après : le temps des hommages

En 2010, l'Allemagne a fêté le 20e anniversaire de sa réunification, les "20 ans d'une révolution paisible et de l'unité allemande"...
Deux dates, au moins, ponctuent cette réunification : 
Celle du 31 août 1990, date à laquelle le traité d'unification de la RFA (République fédérale allemande, à l'ouest) et de la RDA (République démocratique allemande, à l'est) est signé à Berlin.
Celle du 3 octobre 1990, date à laquelle la RDA cesse d'exister, ses territoires étant totalement absorbés par la RFA
C'est cette deuxième date qui a été retenue pour célébrer le 20 ème anniversaire de la réunification. 
En septembre 2010, prélude aux cérémonies d'anniversaire, Helmut Schmidt - ex-chancelier allemand de la RFA entre 1974 et 1982 - a inauguré dans le centre de Berlin un monument rendant hommage à trois acteurs de cette réunification : George Bush père, Helmut Kohl, et Mikhaïl Gorbatchev. Le monument, inauguré en face d'une maison  qui longe le tracé de l'ancien mur de Berlin, représente les sculptures en bronze des trois leaders, hautes de 1,75 mètre et pesant 1,3 tonne chacune.
Helmut Schmidt, devant deux des trois statues formant le monument (celles de Helmut Kohl à gauche, de Mikhaïl Gorbatchev à droite)

A cette occasion, l'ex-chancelier a déclaré : 
"Tous trois, les présidents de l'Union Soviétique et des Etats-Unis ainsi que le chancelier allemand, vous avez mérité la reconnaissance de notre peuple. Car sans le courage de Gorbatchev, la prudence de Bush et la fermeté de Kohl, la réunification n'aurait jamais pu avoir lieu". 
George Bush, élu président en 1988, est salué pour sa prudence. De fait, sa politique extérieure s'inscrit dans le prolongement de celle menée par Reagan (dont il a été le vice-président de 1980 à 1988), et se traduit par des liens forts noués avec le nouveau chef de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, et une politique de soutien au processus de réunification allemande. 






Helmut Kohl, chancelier allemand à partir de 1982 ( et jusqu'en 1998, appartient à la famille politique de la CDU (chrétiens démocrates allemands). Il est l'artisan majeur de la réunification, dont la "fermeté" est ici soulignée. On peut dire en effet qu'Helmut Kohl, favorable à la réunification - dont il évoque déjà la possibilité lors d'entretiens avec le président français de l'époque, François Mitterrand - a réagi aux événements de la RDA avec une extrême rapidité. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombe ; dès le 28 novembre 1989, Helmut Kohl, sans avoir consulté la classe politique ouest-allemande ni ses alliés, propose un plan en 10 points pour la restauration de l'unité allemande. Il va s'employer ensuite à lever les principaux obstacles à la réunification : peur d'une grande Allemagne, question des frontières avec la Pologne, question des relations entre l'Allemagne réunifiée et l'Europe... Toutes les négociations aboutissent en mai 1990 à l'ouverture, à Bonn, de la conférence 2+4, qui associe la RFA et la RDA (2), ainsi que les Etats-Unis, l'URSS, la France et la Grande-Bretagne (4). Les accords 2+4 seront signés en septembre 1990.
Mikhaïl Gorbatchev et Erich Honecker en RDA en octobre 1989

Le monument salue enfin le rôle majeur joué par Mikhaïl Gorbatchev dans l'évolution vers la réunification allemande. D'abord parce qu'il est celui qui, par la politique de glasnost et de perestroïka, a entamé une politique de libéralisation en URSS, et, par voie de conséquence, dans les démocraties populaires. En octobre 1989, il est en visite en RDA et encourage le dirigeant est-allemand Erich Honecker à s'engager dans la voie des réformes. A Berlin-est, il encourage les manifestants qui demandent ces réformes. Erich Honecker fait la sourde oreille, et, un mois après, le mur de Berlin tombe.
Passée la révolution qui emporte les démocraties populaires en 1989, Mikhaïl Gorbatchev appuie le processus de réunification allemande. D'abord, en faisant savoir, dès février 1990, que l'URSS ne s'opposera pas à une réunification dont la RFA et la RDA doivent librement décider les modalités. Ensuite, en faisant savoir, en juillet 1990, - alors que le processus de réunification est largement entamé -, que la future Allemagne sera libre de déterminer à quelle alliance militaire elle souhaite appartenir, ce qui signifie en clair que l'URSS admet la sortie de la RDA du Pacte de Varsovie.


Sources : 
http://fr.rian.ru/world/20100929/187530671.html ( site de l'agence ria novosti, agence russe d'information internationale, qui a relayé l'information sur le monument à la mémoire de Gorbatchev. La source explique peut-être que la statue de Bush père n'apparaisse pas sur la photographie du monument...)
http://www.france-allemagne.fr/Helmut-Schmidt,1451.html
Institut François Mitterrand, La Lettre, n°13, Chronologie de la réunification allemande. 

Manuel de Terminales, Magnard, "Gorbatchev et la fin de la Guerre froide", p. 162 ( source de la photographie représentant Gorbatchev et Honecker).