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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

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mardi 17 mai 2011

Allemagne, 1919 : la légende du coup de poignard dans le dos


  • L'armistice du 11 novembre 1918 : le jour de gloire, côté français...
La "Une" du Petit Parisien, 12 novembre 1918
Côté français, la demande d'armistice est imposée par le chef du gouvernement, Georges Clémenceau, et le généralissime des troupes alliées, Ferdinand Foch. C'est d'ailleurs dans le wagon spécial de Foch, au carrefour de Rethondes, dans la forêt de Compiègne, que l'armistice est signé, le 11 novembre, à 5h15 du matin. 
Le président de la République (Poincaré) mais aussi le général Philippe Pétain penchaient pour une poursuite des combats, de façon à chasser les Allemands de Belgique et même d'envahir l'Allemagne. Contre cette poursuite des combats, l'épuisement des soldats, mais aussi des populations, a plaidé pour la solution de l'armistice. 
  • Côté allemand, la résignation...?
Côté allemand, l'armistice qui met provisoirement fin aux hostilités est négocié dans des conditions particulièrement difficiles. Les militaires ne veulent pas croire à la réalité de la défaite et refusent la cessation des hostilités - d'où le fait que ce soit un civil (Matthias Erzberger) qui soit en charge de la négociation côté allemand-, le gouvernement impérial s'est effondré (Guillaume II a abdiqué), et le pays est en proie à une vive agitation. 

"Das kleine Journal" du 11 novembre 1918 ( le petit Journal, journal berlinois) reprend l'information de manière neutre. Il titre simplement : " Acceptation des conditions de l'armistice" (Annahme des Waffenstillstandsbedingungen), rapporte les scènes de fraternisation (Verbrüderungsszenen) entre soldats. 
L'armistice, conclu pour 36 jours, ( mais régulièrement renouvelé jusqu'à la signature du traité de paix en juin 1919), impose à l'Allemagne des conditions très dures : livraison de l'essentiel de l'armement, de l'aviation et de la flotte de guerre ; évacuation des territoires envahis à l'ouest sous 15 jours ; évacuation de la rive gauche du Rhin sous 30 jours ; libération sans réciprocité des prisonniers de guerre alliés... 
  • ...ou la recherche d'un responsable : la légende du coup de poignard dans le dos (Dolchstosslegende)

Hindenburg et Ludendorff
Les conditions de l'armistice préviennent toute reprise des combats : elles peuvent ainsi être assimilées à une capitulation imposée à l'armée allemande ( c'est le sens qu'il faut donner à l'emploi du mot "capitulation" dans la presse française). En n'ayant pas signé l'armistice, et en ayant laissé cette responsabilité à un civil, les chefs militaires allemands - Paul von Hindenburg, Erich Ludendorff - ont au contraire voulu éviter aux militaires, à l'armée allemande, - et à eux-mêmes - de porter la responsabilité de la défaite. 
Qui alors? Comment l'Allemagne qui croyait à la victoire peut-elle admettre que celle-ci lui ait échappé? Impossible de mettre en cause l'armée, comme en témoigne l'accueil réservé aux soldats démobilisés à leur retour en Allemagne : "Soldats qui revenez invaincus"...
Dès la fin 1918, l'idée s'impose largement selon laquelle c'est le pouvoir civil, désormais incarné par la toute jeune République, et, en son sein, par les socialistes, qui porte la responsabilité de la défaite. Sans cette trahison de l'intérieur - des populations civiles, des esprits échauffés par la perspective d'un changement révolutionnaire, des démocrates - l'Allemagne aurait vaincu. C'est d'ailleurs clairement ce que Ludendorff et Hindenburg laissent entendre devant le comité d'enquête allemand qui cherche à établir les responsabilités des dignitaires allemands dans la défaite (fin 1919). Devant cette assemblée, le vieux maréchal Hindenburg déclare en effet : " L'armée allemande a reçu un coup de poignard dans le dos". Après les débats, les militaires sont lavés de tout soupçon et leur action militaire à l'ouest est même qualifiée de performance... La défaite est bien à mettre au compte des civils et des politiciens.
Entre-deux, la légende du coup de poignard s'est enrichie d'une dimension antisémite, comme en témoigne ce dessin paru en 1919 dans la presse allemande et repris dans la presse autrichienne. Un soldat avec un casque d'acier, dans une tranchée, regarde vers l'Ouest et semble prêt à faire feu. Il symbolise l'Armée allemande, invaincue à la fin de la guerre. Dans son dos se tient une femme ignoble, revêtue d'un bonnet - le bonnet phrygien des républicains français? - sur lequel apparaît une étoile de David. Armée d'un couteau, elle s'apprête à poignarder dans le dos le vaillant soldat. Elle représente la démocratie, soit la République de Weimar, soutenue par les Juifs. Ce qui signifie que la République, la démocratie, ont empêché l'armée allemande de vaincre ( légende du coup de poignard dans le dos). Et, si elles l'ont fait, c'est parce que les Juifs - apatrides, dénués de sentiment national - ont cherché la mort de la Nation allemande...
La légende qui attribue la défaite militaire aux politiciens, aux républicains, pire, aux socialistes et à la bourgeoisie cosmopolite, voire aux Juifs, se répand comme traînée de poudre dans une population allemande meurtrie et humiliée par la défaite. Cette légende va faire le lit des partis ultranationalistes, et particulièrement du parti nazi. 
Sources :
Site Hérodote : http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19181111.
Wikipedia, article Paul von Hindenburg.
Site "mémoire juive et éducation " : http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/antisemitisme.htm
Jardin Pierre, "La légende du «coup de poignard» dans les manuels scolaires allemands des années 1920", Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°41, janvier-mars 1994. pp. 39-50.

lundi 2 mai 2011

Le traité de Versailles, regards franco-allemands

Le 28 juin 1919 est signé dans la galerie des glaces de Versailles le traité qui doit mettre un point final aux hostilités entre les nations alliées et l'Allemagne.

Côté allemand, le traité - qui n'a pu être l'objet de négociations, l'Allemagne, vaincue, n'ayant pas été invitée à la Conférence de la Paix -, est un diktat. Une dictée dont les vainqueurs ont imposé le texte aux vaincus, une partition imposée donc, qui impose à l'Allemagne des conditions inadmissibles : pertes territoriales (perte de ses colonies, de l'Alsace Lorraine, démembrement qui détache la Prusse orientale du reste du territoire...), démilitarisation, réparations... Parce que l'Allemagne est posée comme seule responsable du conflit, elle doit en payer le prix, donc "réparer" : la commission des réparations fixera à 132 milliards de marks-or le montant des sommes à verser par l'Allemagne. 
La caricature de Hans Lindoff - publiée alors que le montant des réparations n'est pas encore connu, les Alliés, et particulièrement la France, bénéficiant alors de réparations "en nature" : la propriété des mines de charbon de la Sarre est ainsi transférée à la France au titre des dommages de guerre - traduit le sentiment de mépris des vainqueurs à l'égard d'un vaincu démuni, auquel on demande un dépouillement total, jusqu'au dénuement, et à l'humiliation... De manière significative, le vainqueur n'est pas montré, juste suggéré par sa main, qui pointe - imperturbablement - les vêtements dont l'Allemagne doit se départir. Le vainqueur est par ailleurs faussement poli ("Ton pantalon, s'il te plaît") mais parfaitement stupide (comment vider les poches d'un pantalon que l'on ne porte plus?). 
Si le regard porté sur la France et ses exigences n'est pas tendre, il faut noter que la représentation de l'Allemagne - soumise - ne l'est pas non plus. En 1920, de nombreux Allemands souscrivent à la thèse selon laquelle l'armée allemande n'a pas démérité. La responsabilité de la défaite incombe au pouvoir civil, qui a, lâchement, accepté les conditions des vainqueurs.
(Le traité de Versailles a été soumis à la délégation allemande, menée par le président socialiste de la toute jeune République allemande, Ebert. De même, c'est Ebert qui, en novembre 1918, alors que le régime impérial allemand venait de s'éffondrer, a donné l'ordre à la délégation allemande de signer l'armistice de Rethondes).


Côté français, la légitimité du traité ne se pose pas, non plus que la nécessité de faire "payer" l'Allemagne. Mais les caricaturistes laissent entendre que cela ne sera pas chose aisée, puisque l'Allemagne joue la "Komedie de la Misère". Sur cette caricature parue en mai 1921, Marianne est confrontée à Germania, la France à l'Allemagne. Tout les oppose : la posture - élégance et tenue d'un côté, avachissement, négligence et embonpoint de l'autre - , comme les valeurs : à l'interrogation muette de Marianne - qui traduit la légitimité de son attente - répond la mascarade jouée par Germania, qui, de sa cape noire, entend masquer l'activité productive et la richesse allemande. Son casque à pointe lui-même s'est transformé en chapeau de carnaval... La France campe sur ses positions, elle a le droit pour elle. L'Allemagne incarne la fourberie - la légende de la caricature invite Marianne, et le lecteur...  à la méfiance -, ses paroles ne sont que nuages de fumée.

Michel et Germania sont les deux allégories nationales de l'Allemagne. 
Michel est une figure ancienne qui a singulièrement évolué dans le temps : initialement, Michel représentait la vaillance allemande. Avec le temps ( au 19è siècle), il est devenu un petit bourgeois naïf et méprisable, reconnaissable à son éternel bonnet de nuit. D'où le fait qu'il soit rarement utilisé par les caricaturistes français pour représenter l'Allemagne : comment rendre redoutable un personnage aux allures de nigaud? Le choix de Michel, sous la plume d'un caricaturiste allemand, trahit une vision négative de l'Allemagne. Ici, Michel représente l'Allemagne qui a abdiqué...
Germania s'est par contre imposée comme l'allégorie de l'Allemagne. En Allemagne, l'affirmation d'une figure féminine nommée Germania a accompagné le processus d'émergence de l'identité nationale. Dans la caricature française, elle emprunte avant la guerre de 14 à la mythologie wagnérienne : elle est une Walkyrie, avec un casque ailé, un bouclier, une lance... Pendant la Guerre, cette image se déforme et s'enlaidit, et finit par représenter l'Allemande (l'image de l'Allemande dans l'imaginaire nationaliste français) : une femme aux traits grossiers, au visage austère et joufflu, au fort embonpoint, mal fagotée... en somme, l'inverse de Marianne, au charme enjôleur, à la vive silhouette, et à l'élégance... toute française!
Pour en savoir plus
Christian Delporte, "Méfions nous du sourire de Germania! L'Allemagne dans la caricature française (1919-1939)", Mots, 1996, vol.48, n°48, p.33-54.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1996_num_48_1_2098

mercredi 27 avril 2011

L'Allemagne après le traité de Versailles, 1919


Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 par les plénipotentiaires allemands, modifie profondément la carte de l'Allemagne, qui perd 1/8e de son territoire. 

L'Allemagne, considérée comme responsable de la guerre, n'a pu participer aux négociations. Le traité lui est donc imposé au sens propre, puisqu'elle ne peut en discuter les conditions. De plus, les conditions de l'armistice signé le 11 novembre 1918 à Rethondes ont créé un rapport de force particulièrement défavorable à l'Allemagne. En effet, par cet armistice, l'Allemagne - alors en pleine (r)évolution politique, la toute jeune République venant à peine de s'installer - doit fournir des livraisons considérables de matériel de guerre et de moyens de transport et libérer (sans réciprocité) les prisonniers de guerre alliés. Un délai de 15 jours lui a été donné pour évacuer tous les territoires envahis à l'ouest, ainsi que l'Alsace-Lorraine ; un délai de 30 jours, pour l'évacuation de la rive gauche du Rhin ainsi qu'une bande de 10 kms à l'est du Rhin. Par ces conditions, les Alliés se sont assurés que l'Allemagne ne pourrait reprendre le combat. Démunie, elle ne peut qu'accepter les conditions qui lui sont faites par le traité de Versailles qui met un terme définitif au conflit, 7 mois après l'armistice. 

La carte de la nouvelle Allemagne distingue plusieurs cas de figures. 
Des territoires ont été enlevés au Reich ( appellation peu heureuse ici, puisque l'empereur Guillaume II a dû abdiquer en novembre 1919, la République succédant à l'Empire) : Alsace-Lorraine restituée à la France (qui avait perdu ces territoires à l'issue du conflit de 1870/71), Prusse occidentale et Posnanie venant grossir le territoire dévolu à la Pologne reconstituée. La re-création d'une Pologne avec accès à la mer a des conséquences majeures sur le territoire allemand, qui se retrouve coupé en deux : la Prusse orientale est séparée du reste du territoire allemand. Les risques de tension sont tels que la ville de Dantzig ( Gdansk) est considérée comme "ville libre" : ni allemande, ni polonaise, mais placée sous tutelle de la SDN.  
D'autres territoires sont placés sous administration de la SDN, et doivent faire l'objet de plébiscites, ce qui est une façon de reporter la décision à une date ultérieure. Ainsi, la Sarre est placée sous administration de la SDN pour 15 ans (à compter de janvier 1920). LA consultation sera organisée au terme de ces 15 ans, et, à cette date, les habitants de la Sarre auront à se prononcer sur : le maintien de l'administration internationale (rester sous la coupe de la SDN), le rattachement à l'Allemagne, le rattachement à la France. En janvier 1935, lorsque le plébiscite a été organisé, plus de 90% des habitants se sont prononcés pour le rattachement à l'Allemagne.
Des territoires, situés à la frontière de la France et de la Belgique, sont l'objet d'une occupation étrangère, destinée tant à s'assurer du désarmement qu'à surveiller le bon versement des réparations. 
Enfin et surtout, une zone démilitarisée a été définie à la frontière occidentale de l'Allemagne, pour prévenir toute nouvelle tentative d'invasion. La rive gauche du Rhin est démilitarisée, ainsi qu'une bande d'une cinquantaine de km sur la rive droite. Dans ces territoires, il est formellement interdit à l'Allemagne de faire circuler des troupes, tout mouvement de troupes étant alors considéré comme une violation du traité, partant comme une entrée en guerre.