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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

mardi 11 janvier 2011

Détroit ou la fin d'une époque


  • Une ville symbole


En 2010, le réalisateur Florent Tillon réalise un documentaire intitulé : "Détroit, ville sauvage". Consacré à la ville qui fut, pendant toute la première moitié du XXe siècle le symbole de la réussite américaine, de la civilisation automobile, de l'American way of life, il en dévoile le nouveau visage, celui d'une ville dévastée.

RIDM - Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal




Les données chiffrées corroborent cette vision :


La ville de Detroit a perdu plus de la moitié de sa population en un demi-siècle, soit près de 1 million de personnes et elle compte désormais moins d'un million d'habitants. Près de 30% de son espace urbain est déserté par ses habitants : maisons et immeubles vides, quartiers déserts et sans vie... C'est la "shrinking City", la "ville qui rétrécit". Le taux de chômage avoisine 29%, un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté, le taux de mortalité infantile est de 18 pour mille (chiffre comparable à celui de pays du Sud économique). Loin du multiculturalisme qui serait le symbole de l'attraction américaine, c'est une ville dont la population est composée à 90% de noirs, avec une ségrégation spatiale qui oppose nettement un centre-ville dévasté et des banlieues (suburbs) blanches. 
Ségrégation spatiale à Détroit.
Source : Le Monde diplomatique
La désaffection de la gare centrale de Détroit, Michigan Central Station,  fermée au trafic depuis 1988, est un signe éclatant de ce déclin.

Michigan Central Station (ou Depot), façade principale. 

Lien vers le site de David Kohrman, un amoureux de l'histoire et des monuments, qui a réalisé un site proposant des photographies sublimes de nombreux monuments aujourd'hui abandonnés (et particulièrement de Michigan central station) dans le but de servir leur renaissance :  
http://www.forgottendetroit.com/mcs/index.html

  • Quand "Motor City" devient "Murder City" ou "Devil City"
La ville de Detroit est, par excellence, la ville de l'automobile. Siège de la General Motors, de Chrysler et de Ford (les "big Three" américaines), elle a, jusqu'au début des années soixante, représenté à elle seule près de 90% de la production automobile américaine. La ville est alors l'une des cités les plus prospères de la manufacturing belt, le quart nord-est du pays, essentiel à l'industrie lourde (métallurgie, sidérurgie) et à celle des biens de consommation. Elle est au coeur du centre de gravité démographique du pays ( donc, un énorme marché de consommation) et bénéficie de l'apport migratoire des européens quand elle attire aussi les populations noires des états du sud des Etats-Unis.
Dans les années soixante se produit un tournant dont les effets ne se font pas immédiatement sentir. Comme d'autres grandes villes américaines, Détroit est touchée par des émeutes particulièrement violentes. La population blanche amorce alors un mouvement de départ du centre-ville au profit des banlieues.
Un documentaire proposé par Arte en 2010 revient sur ces émeutes :





La musique de fond utilisée dit à elle seule le trauma que représentent les émeutes : "Motor City is burning". C'est un titre de John Lee Hooker ( créé en 1943 lors d'émeutes à Détroit), repris par MC5 (un garage band de Detroit) en 1967, en hommage aux émeutiers. 

Pour en savoir plus sur ce titre et découvrir un excellent site : 
http://lhistgeobox.blogspot.com/2009/03/150-mc5-motor-city-is-burning.html

De plus, à partir des années soixante, l'activité industrielle se redistribue sur le territoire au profit de régions industrielles nouvelles (les usines de montage automobile s'installent à Los Angeles, Saint Louis, Atlanta...). Le Nord-est connaît une désindustrialisation qui se traduit par la baisse de l'emploi industriel. La manufacturing belt se transforme progressivement en rust belt (ceinture de la rouille). Cette dynamique est renforcée par les difficultés que rencontre l'industrie automobile américaine dans les années 1970 et 1980. L'industrie des "grosses américaines" est frappée de plein fouet par les chocs pétroliers, la concurrence des industries allemande et japonaise s'accentue.
A la fin des années quatre-vingt, le déclin de Détroit est perceptible. Les manuels scolaires en donnent cependant une version très atténuée : "Détroit et ses environs (Flint) restent le coeur de l'industrie automobile, avec les sièges sociaux de General Motors, Ford et Chrysler, les bureaux d'études et un bon tiers de la production nationale" (manuel de Terminale, Nathan, 1995). Le cinéma, par contre, attire l'attention, de manière contrastée : En 1987, Détroit est la toile de fond choisie pour le film Robocop (Détroit est devenue "murder city"). Deux ans plus tard, Mickael Moore signe un premier film de remise en cause du système américain, en prenant pour décor non pas Détroit, mais la ville proche de Flint ( sa ville natale), qui connaît une évolution similaire. L'une des scènes du film propose de manière totalement décalée une vision des quartiers abandonnés sur fond de Beach Boys : 

http://www.youtube.com/watch?v=6sPrDTI21RM

La crise des subprime (crédits hypothécaires à taux variables ) des années 2000  sonne le glas de villes déjà sinistrées. Des prêts à taux variables ont été accordés à partir de 2002 à de nombreux ménages, souvent modestes, voire peu solvables, pour accéder à la propriété. De nombreux ménages s'endettent. Les prêts s'accumulent, sont repris par des fonds de pension, et la bulle financière ainsi créée éclate en 2006. Les ménages se retrouvent avec des biens dont la valeur est très en dessous du prêt, et, incapables de rembourser, ils sont obligés de les abandonner suite à des mesures de saisies.


Sources : 
Allan Popelard et Paul Vannier, "Détroit. La ville afro-américaine qui rétrécit", Le Monde diplomatique, janvier 2010.  

2 commentaires:

  1. Hi, I’m the director of DETROIT WILD CITY, which on Mubi now.
    I opened donations for my next project LAS VEGAS MEDITATION here, with a trailer of the project :
    http://www.babeldoor.com/las-vegas-meditation
    http://www.touscoprod.com/project/produce?id=173

    Check it out.

    Florent TILLON

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    1. Merci pour l'intérêt porté à ce message. Et bonne chance pour votre nouvelle réalisation. Catherine Lacour-Astol

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