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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

mardi 7 février 2012

Liberté à l'américaine, une affiche anti-américaine

Une affiche soviétique de 1949


L'affiche "Liberté à l'américaine" a été dessinée par Efim Dolgorouki en 1949. Etats-Unis et URSS sont alors opposés dans le cadre de la Guerre froide, qui a débuté en 1947, avec l'exposé des différences doctrinales entre modèle américain et soviétique ( respectivement en mars 1947, doctrine Truman, et septembre 1947, doctrine Jdanov). En 1949, les blocs sont en voie de constitution, comme le montre l'achèvement de la première crise de Berlin qui donne naissance à deux états allemands, RFA (bloc occidental) et RDA ( bloc soviétique). La Guerre froide emprunte toutes les voies du conflit - à l'exception du conflit armé direct. Parmi ces voies, l'affrontement idéologique est majeur, et, dans ce contexte, l'affrontement prend la voie d'une guerre des images. Adressée aux soviétiques - que la propagande occidentale tente de toucher par le biais des médias ( Voice of America, la radio américaine,  émet en russe dès février 1947) - , l'affiche "Liberté à l'américaine" a pour objectif de dénoncer les fondements du modèle américain. 

Une dénonciation du modèle américain

Le principe est simple : les caractéristiques du modèle américain sont reprises et parodiées. Le modèle américain se targue d'être un modèle politique fondé sur la garantie des libertés individuelles. C'est ce que rappelle le discours du président Truman de mars 1947, qui fait de la liberté la ligne de partage entre les deux modèles opposés, soviétique et américain : 
"Au moment présent de l'histoire du monde, presque toutes les nations se trouvent placées devant le choix entre deux modes de vie. Et trop souvent, ce choix n’est pas un libre choix.
L'un de ces modes de vie est fondé sur la volonté de la majorité. Ses principaux caractères sont des institutions libres, des gouvernements représentatifs, des élections libres, des garanties données à la liberté individuelle, à la liberté de parole et du culte et à l'absence de toute oppression politique".
Il n'est donc pas étonnant que la liberté soit mise au coeur de la dénonciation du modèle américain par l'affiche d'Efim Dolgorouki. Elle occupe une position centrale avec la statue de la Liberté et est déclinée dans les quatre vignettes de côté, qui représentent la liberté de la presse, la liberté d'opinion, la liberté de l'individu et la liberté de manifestation. Notons que le dessinateur ne s'est pas attaqué à l'une des libertés individuelles majeures : la liberté de culte, et que la liberté de manifestation tient davantage des libertés collectives que des libertés individuelles. 
Grossièrement, la vignette propose une contre-image du principe énoncé, dévoilant la réalité sous le discours. Les journaux qui émanent tous d'une même source - gouvernementale ? ( le personnage ressemble étrangement à Truman) - signalent que la presse est contrôlée. De la même manière, l'opinion est sous surveillance : derrière le lecteur apparaît un univers carcéral. Les manifestants ont face à eux des unités policières répressives. Enfin, l'individu n'est pas même libre de circuler puisque les noirs sont victimes de la ségrégation ( ici, est représentée une scène de lynchage par des hommes du Ku Klux Klan). Au centre, la statue de la Liberté est muselée.
Le propos de l'affiche vise donc à mettre en évidence l'absence de libertés dans une démocratie libérale. Cette absence de liberté est clairement associée au pouvoir de l'argent : c'est l'ombre de Wall street qui "éclaire" la scène, le dollar est omniprésent sur l'affiche ( sur le cadenas, le véhicule des forces de l'ordre, le texte du lecteur, et on peut supposer que le personnage qui donne le ton en terme de presse est assis sur un sac de billets). 
Que doivent retenir les soviétiques ?  Que le modèle américain est un modèle en trompe-l'oeil, dans lequel les libertés sont bafouées, dans lequel l'égalité n'existe pas (la minorité noire est là pour en témoigner). C'est donc un régime autoritaire, répressif et ,qui plus est, raciste.