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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

vendredi 16 septembre 2011

Le Mexique et l'engrenage de la violence



Des supporters tentant de se protéger lors de la fusillade de Torréon, 20 août 2011
Au Mexique, la violence rythme l'actualité : attentat au casino de Monterrey, fusillade entre police et criminels présumés, en plein match de football  à Torreon...
  • Des cartels extrêmement puissants
Cette violence est largement liée à la puissance de familles (les cartels) qui dominent l'économie illégale : celle de la drogue, du trafic des armes, du trafic de clandestins, de la prostitution... Ces grandes familles cherchent à étendre le territoire qu'elles dominent, ce qui donne lieu à une guerre des gangs, dont le bilan est très lourd. Mais les morts ne sont pas seulement des membres des organisations rivales. La société mexicaine toute entière est concernée par l'activité des gangs : enlèvements (suivis de demandes de rançons), assassinats, fusillades... En 2010, 72 cadavres de clandestins - parmi lesquels ceux de 14 femmes - originaires d'Amérique centrale et du sud, ont été retrouvés dans une ferme du nord-est du Mexique : ils avaient été abattus pour avoir refusé de se mettre au service du gang (la famille des Zetas) chargé de leur faire passer la frontière américaine.
La carte ci-dessus met en évidence la particularité du territoire mexicain, véritable passerelle entre le monde de la production de la drogue ( les états latino-américains : Colombie, Venezuela, pour les produits bruts, mais aussi la Chine, pour l'éphédrine - ou ecstazy), et celui de sa consommation, les Etats-Unis surtout. Ce trafic est ainsi un révélateur des disparités Nord/Sud, dans lequel le Mexique fait figure de porte d'entrée sur le riche territoire nord-américain, comme le montrent les flux - toutes drogues confondues - qui se pressent sur la frontière des Etats-Unis.
  • Depuis 2006, le gouvernement mexicain est en guerre contre les barons de la drogue
Depuis 2006, le président de la République mexicaine, Felipe Calderon, a lancé, avec le soutien des Etats-Unis, une guerre contre les formations mafieuses, qui implique la police mais aussi l'armée mexicaines. Son bilan chiffré reflète l'emprise de l'économie de la drogue sur le territoire mexicain :
Selon le ministère de la défense, les milliers de soldats déployés pour traquer les narcotrafiquants ont saisi environ 180 millions de dollars en liquide et un arsenal de quelque 96.000 armes à feu. La même source a ajouté que l’armée mexicaine a également démantelé plus de 560 laboratoires clandestins de fabrication de drogues synthétiques et confisqué plus de 35.000 véhicules, 510 avions et 182 bateaux, utilisés dans le transport des stupéfiants.Toutes ces actions, ont permis ”d’affecter la structure logistique et financière” des principaux groupes de trafic de drogue et du crime organisé, d’autant qu’une douzaine de leurs chefs de premier ordre ont été tués ou arrêtés.Ce bilan impressionnant est rendu public pour la première fois par le ministère de la défense dans l’objectif de montrer l’ampleur du trafic de drogue dans le pays et la lutte que mène le Mexique pour l’éradiquer, depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuelle administration en décembre 2006.A noter que ce bilan porte uniquement sur les opérations réalisées par l’armée de terre et les forces aériennes. La Marine mexicaine, qui est un corps indépendant, et la police fédérale participent, elles aussi, de manière active aux opérations de lutte contre le narcotrafic.Source – Ministère de la défense ( Le Grand Journal, 8/09/2011) 
Une douzaine de chefs des organisations mafieuses éliminés, une organisation atteinte dans ses structures ( laboratoires démantelés) et des ses profits... Le bilan est conséquent. Pourtant, des voix s'élèvent au Mexique pour en dénoncer les failles. Ainsi de cet article paru dans Proceso, signé José Gil Olmos (daté du 6/09/2011, repris dans Courrier International) :

"(...) Le Mexique a franchi un seuil dans l'escalade de la violence. Preuve, une fois plus, que la guerre contre la criminalité organisée déclarée par le président Felipe Calderón est un échec, et que l'armée et la police sont largement débordées par les groupes mafieux. Mais, pour la société, l'un des plus grands dangers, dans ce climat d'aggravation de l'insécurité, est de constater à quel point elle est vulnérable. La peur, l'insécurité, la terreur et ce sentiment de vulnérabilité qui se sont abattus sur la population peuvent entraîner des effets très dangereux comme l'immobilisme et le désespoir social.
Cette paralysie et cette passivité pourraient être mises à profit non seulement par les cartels pour étendre leur empire de terreur, comme on le voit déjà dans plusieurs régions du pays, mais aussi par des mouvements politiques désireux d'établir un régime autoritaire, de type militaire et policier, afin de rétablir l'ordre sur le territoire national. En témoigne la décision prise par Calderón, juste après l'attentat au casino Royale de Monterrey [qui a fait 53 morts], de demander au Congrès de l'Union d'adopter la loi de sécurité nationale, qui vise à accroître les moyens d'intervention des forces armées. La tentation de la force, de l'autoritarisme, par opposition à l'intelligence, voilà ce qu'il y a derrière ce projet de loi qui donnera au président toute latitude pour envoyer l'armée quand il jugera qu'une situation d'urgence nationale l'exige, et plus seulement en cas de catastrophe naturelle.
Tant les mafieux que les partisans de l'autoritarisme ont tout intérêt à avoir une société engourdie, craintive, terrorisée. Une telle société est une proie facile pour n'importe quel groupe violent ou autoritaire qui ne raisonne pas, mais exerce la violence pour obtenir ce qu'il veut : davantage de contrôle social et territorial. C'est dire l'importance des manifestations qui ont eu lieu à Monterrey, où la population n'est pourtant pas encline à se mobiliser. A l'heure où le désespoir et la peur progressent, ces mobilisations, ainsi que la présence des organisations sociales, sont les seuls moyens d'expression dont dispose la société pour faire reculer la violence. S'il n'y a pas de mobilisation sociale, si nos concitoyens sont gagnés par le conformisme et l'apathie, la terreur et la violence ne feront que s'accroître dans les mois qui viennent et la présidentielle de 2012 ne servira à rien, car, dans les faits, ce sont les groupes criminels qui gouverneront".
Version intégrale de cet article en espagnol :
http://www.proceso.com.mx/?p=280111


Sources : 
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2010/08/25/007-charnier-mexique-survivant.shtml
Le grand journal, le quotidien des Francophones du Mexique, http://www.legrandjournal.com.mx/category/actu-mexique, 
Courrier International, mardi 6 septembre 2011, A la Une : Amériques

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