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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

lundi 31 janvier 2011

Une vision sombre de l'Afrique décolonisée

La décolonisation de l'Afrique noire commence dans les années 1950. Très rapidement, les difficultés rencontrées par les pays africains nouvellement indépendants, et parmi elles, la difficulté à construire des états démocratiques, sont pointées du doigt. En témoigne cette caricature de 1960, signée Fritz Behrendt, un caricaturiste allemand-hollandais ( né à Berlin en 1925, il s'est réfugié aux Pays-Bas en 1937 et y a vécu pendant la Seconde guerre mondiale. Il participe après-guerre aux plus grands journaux allemands ).

"Nouvelles gens", caricature de Fritz Behrendt, 1960

Dans ce dessin, seuls deux éléments changent entre les deux images : le dictateur noir a remplacé le colon, la servitude des populations reste entière, mais elle est assortie d'une façade de consentement, que symbolisent les slogans "vivat...". 

La photo qui suit fait écho à cette vision sombre. Elle représente le dictateur Mobutu, qui a régné sur le Zaïre (ex-Congo belge) de 1965 à 1997, date de son décès. Mobutu Sesse Seko, "président Soleil", le "léopard de Kinshasa", le "roi Léopard", incarne la dictature au service de l'enrichissement personnel : à sa mort, en 1997, sa fortune personnelle ( placée à l'étranger : France, Belgique, Luxembourg, Portugal, Afrique du Sud, Suisse...etc) s'élève à 7 milliards de dollars. 

Mobutu Sesse Seko 
Le parcours de Mobutu, les soutiens qu'il a trouvé auprès des occidentaux sont décrits dans un rapport émanant du CCFD (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement): 
"Mais d’où venait cet argent ? Mobutu possédait de nombreuses parts dans des sociétés, notamment la Gécamines, la société minière d’État seule autorisée à exploiter le cuivre et le cobalt, qui lui reversait une partie des recettes d’exploitation. Il avait orchestré un pillage systématique des fonds publics, en ouvrant par exemple des comptes de la Banque centrale du Zaïre à l’étranger ou en s’octroyant 30 à 40% des investissements publics avec l’accord du Parlement. (...) Selon le Financial Times, le Zaïre a reçu de l’Occident 8,5 milliards $ de subventions et de prêts. « Pourtant, on a du mal à croire qu’il ait été fait grand chose au Zaïre sur le plan économique ou social », indiquait en 1997 un rapport interne de la Banque mondiale. En effet, cet argent a été alloué à Mobutu, non pas pour développer son pays mais parce qu’il était un allié indispensable contre le communisme du temps de la guerre froide. Il avait ainsi ordonné l’assassinat du père de l’indépendance congolaise, Patrice Lumumba, en 1961, allié des soviétiques. Le Zaïre regorgeait par ailleurs de ressources naturelles (cuivre, cobalt, or, diamant, bois) et de terres propices à la culture du café et du cacao. "
( rapport "Biens mal acquis", juin 2009, établi par le CCFD. Rapport qui passe en revue les avoirs détournés de quelque 30 dirigeants de pays en voie de développement - évalués à 100 milliards de dollars au total -, interroge la question de savoir "à qui profite le crime?" et préconise la restitution des biens aux populations pillées). 

Pour consulter l'article dans son intégralité : 
http://ccfd-terresolidaire.org/BMA/img/PDF/pays/BMA_chap1-2congo.pdf


Sources : 
Photo de Mobutu, extraite du manuel d'Histoire Terminale Hachette 2002, p.165
Caricature de Behrendt, manuel d'Histoire Terminale Nathan, 2008, p. 153. 
Site du CCFD. Rapport "Biens mal acquis, A qui profite le crime?", juin 2009. 

Colonisation/Décolonisation : révisions...

Un petit message pour faciliter les révisions. 
Voici quelques tableaux synthétiques qui remettent en perspective - très sommairement - les grandes évolutions décrites en cours : 
Les questions posées sous les tableaux ont pour seul objet d'attirer votre attention sur l'essentiel. Impossible, évidemment, de vérifier la qualité de vos réponses en ligne. Quoique, par télépathie?

  • Le statut des territoires dominés

Vérifiez que vous êtes capable de citer au moins un exemple de chaque type de territoire. 
Le protectorat est un système avantageux pour le colonisateur. Pourquoi? 
  • Les relations économiques entre métropoles et colonies
Ce schéma cherche à mettre en évidence un aspect positif de la colonisation pour la colonie : celui lié aux investissements réalisés, qui vont autoriser la création d'infrastructures lourdes ( transport). Les aspects négatifs l'emportent nettement. Relevez les et montrez que le système colonial engendre un échange inégal. 
  • Un éveil du sentiment national dans les colonies dès l'entre-deux-guerres

Ce tableau met en évidence le rôle de la Première Guerre mondiale dans l'éveil du sentiment national. Quels aspects mentionnés ici se retrouvent à nouveau dans l'après-1945?
  • Un tableau portant spécifiquement sur l'Asie, et donc sur le contexte de l'après 1945
Relevez les éléments nouveaux par rapport au tableau précédent. 
  • Dans les années 1950, la décolonisation s'accélère : pourquoi?

Revoir ce qu'est la conférence de Bandoung. Quels autres facteurs sont pointés ici pour leur rôle dans l'accélération de la décolonisation?
  • L'affirmation du Tiers Monde se heurte à la diversité croissante du "Sud"

La carte met en évidence des NPI , des pays rentiers (dont le développement repose sur l'exportation des hydrocarbures), des pays dont le choix de développement est dit "autocentré" (sans appel à l'extérieur : capitaux ou technologies). Relevez au moins deux exemples pour chaque catégorie. 
La référence à la Révolution verte (adoption de variétés de riz ou de blé à très haut rendement) signale la volonté de pays du Tiers Monde d'accéder à l'autosuffisance alimentaire. Repérez un pays asiatique et un pays africain qui l'ont mise en oeuvre. 

Sources (tableaux de synthèse)
Manuel d'Histoire de Terminale, T L, ES, S, Hatier, 2008. 


dimanche 30 janvier 2011

Mustafa Kemal Atatürk, le père de la Turquie moderne


  • Un militaire révélé par la Première Guerre mondiale
Mustapha Kemal, surnommé le "Loup gris" pour ses hauts faits militaires


Mustapha Kemal est né en 1881 à Salonique dans une famille de petits fonctionnaires turcs. Salonique est alors une ville importante de l'empire ottoman( elle sera rattachée à la Grèce en 1912), et, par ailleurs un foyer de contestation politique. 


Thessalonique, en Grèce, a longtemps été une ville importante de l'empire ottoman.


Mustapha Riza (selon l'état civil) choisit la carrière des armes : il est un élève brillant de l'Ecole de guerre et de l'Académie militaire d'Istanbul, ce qui lui aurait valu son premier surnom : Kemal (Le Parfait). Jeune officier, il débute sa carrière militaire contre l'Italie en Libye en 1911. Il se distingue ensuite dans les guerres Balkaniques qui opposent en 1912-1913 l'empire ottoman et les puissances balkaniques.
Ses années de formation ont aussi été des années de réflexion politique. Dès 1904, il attire l'attention de la police pour avoir formé une petite association secrète de militaires opposés à l'absolutisme du sultan. Il est initialement proche du mouvement des Jeunes-Turcs qui lutte avant-guerre pour l'abolition du sultanat. 
En 1914, l'empire ottoman fait le choix de l'alliance avec l'Allemagne et participe donc à la Première Guerre mondiale à ses côtés. L'ennemi principal est donc l'Anglais, dont l'influence dans la région du Moyen-Orient est très forte. 
Le nom de Mustapha Kemal est associé à la bataille des Dardanelles (1915-1916), au cours de laquelle les Anglais cherchent vainement à créer un second front. Le rôle majeur que joue Kémal dans cet échec anglais lui donne un grand prestige populaire. 

Les Dardanelles, un enjeu stratégique majeur

Mustapha Kemal au milieu de ses hommes 
On le retrouve ensuite contre les Russes dans le Caucase et contre les Anglais en Palestine en 1917.

  • L'artisan de la création d'une Turquie souveraine

L'empire ottoman à la veille du conflit : un empire tourné vers l'Est et le Sud


En 1914, l'empire ottoman était une puissance sur le déclin, qui avait dû abandonner l'essentiel de ses possessions européennes. La Première Guerre mondiale l'achève
Le traité de Sèvres (1920), signé par les Alliés et l'empire ottoman prévoit en effet l'existence d'un Kurdistan et d'une Arménie indépendants. Il donne à la Grèce les territoires de la Thrace orientale et de la région de la mer Egée. Enfin, les territoires arabes anciennement sous la tutelle ottomane passent sous contrôle de la France et de la Grande-Bretagne. 
Entre 1920 et 1923, Mustapha Kemal va mener la guerre d'indépendance : une guerre nationale, pour lutter contre le démembrement de l'empire. Le combat contre les Anglais, les Français et les Grecs permet de revenir sur les dispositions du traité de Sèvres. Par le traité de Lausanne signé en 1923, l'Anatolie et la Thrace orientale reviennent à la Turquie. Les minorités grecques et arméniennes sont chassées de ces territoires. 



  • Le fondateur de la Turquie républicaine moderne

La victoire nationale autorise la victoire politique. 
Après ses victoires face aux Grecs, Kemal  a reçu de la Grande Assemblée Nationale d’Ankara le titre de Ghazi (« le victorieux »). Il crée en 1922 le Parti républicain du Peuple, son parti. Il fonde la République, proclamée en octobre 1923, dont il devient le premier président. Il fait abolir le califat et fait d'Ankara la capitale de la jeune République. Jusqu'à sa mort, en 1938, il est réélu président de la République sans interruption. 
C'est fort de ce pouvoir et de son charisme qu'il peut transformer en profondeur la Turquie et créer la Turquie moderne : une Turquie qui rompt résolument avec son passé et entend conjuguer modernisation et occidentalisation. 





En 1934, l'Assemblée lui attribue le patronyme d'Atatürk ("Turc-père"). 

La figure et les principes de l’initiateur de la révolution kémaliste restent, aujourd’hui encore, des références politiques et identitaires fortes en Turquie.
En témoigne la place qui lui est consacrée sur le site officiel du ministère de la culture et du tourisme turc, où il occupe la première place avant l'évocation de l'empire ottoman : 
http://www.kulturturizm.gov.tr/FR/belge/4-7427/ataturk.html


Sources :
www.saisondelaturquie.fr
Manuel d'histoire 1ère, Nathan, 1997, carte p. 213.
Dictionnaire Mourre, article "Moustafa Kemal Atatürk", Bordas, tome V, p. 3055.
Jean-Jacques Becker, "Les derniers jours de l'Empire ottoman", L'Histoire, avril 1995, n° 187, p. 32-35

vendredi 28 janvier 2011

G7, G8, G20...


  • Une naissance sur fond de crise...

Le G7 - soit le groupe des sept pays les plus industrialisés du monde (Etats-Unis, Canada, Allemagne fédérale, France, Royaume-Uni, Italie, Japon) lors de sa création - est né en 1975. Le G7 désigne ainsi les sommets annuels des chefs d'Etat et de gouvernement de ces sept pays. L'initiative en revient à l'ancien président de la République française, Valery Giscard d'Estaing. Les économies occidentales sont alors frappées de plein fouet par la crise : le premier choc pétrolier de 1973 déstabilise leurs économies, et surtout l'abandon du système monétaire de Bretton-Woods fait craindre une anarchie monétaire. Les premiers accords conclus entre les sept puissances cherchent à restaurer la stabilité monétaire ( chute et stabilisation du $). 

  • Un champ d'action élargi dans les années 1980 et 1990
Le club très fermé des 7 s'est ouvert au cours des années 1990 à la Russie. Associée à certains travaux du G7 dès 1991, la Fédération de Russie en est devenue membre à part - presque - entière en 1998. D'où le changement d'appellation, de G7 à G8. 
Chaque année, la présidence du G8 passe (selon un ordre défini ) à l'un de ses membres. Le pays tenant la présidence accueille des réunions au niveau ministériel et un sommet annuel réunissant chefs d'Etat et de gouvernement. Le dernier sommet a eu lieu au Canada, à Huntsville (Ontario), en juin 2010. Le prochain doit se tenir à Deauville, la France tenant la présidence pour 2011. 

Depuis les années 1980, le G7 élargit son champ d'action à l'ensemble des problèmes économiques, sociaux et politiques. Cet élargissement du champ d'action du G7 (puis G8) autorise des décisions dans des domaines très variés : engagement sur l'aide au développement de l'Afrique (2005), accord sur une diminution des gaz à effet de serre de 50% d'ici 2050 (2008)... Mais ces accords ne sont pas forcément tenus et ne sont en aucun cas contraignants. Par exemple, l'accord sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre reste dans le flou : il ne dit rien des objectifs à moyen terme ou des plans nationaux nécessaires à la réalisation de l'objectif des 50% sur le long terme. 
Il n'est donc pas étonnant que les sommets du G8 soient l'occasion de manifestations émanant des milieux altermondialistes, qui fustigent un immobilisme sur les questions de fond et une gouvernance mondiale accaparée par les grandes puissances. En témoigne cette manifestation à Rostock lors du sommet de 2007 (le sommet avait lieu en Allemagne, dans une petite station balnéaire de la Baltique : Heiligendamm, distante de Rostock de 20 km). Le message porté par les quelques manifestants  affublés de masques des chefs d'Etats présents au sommet, est clair : "La Terre ne peut pas attendre" (Die Welt kann nicht warten")

Campagne de protestation d'OXFAM à Rostock, 2007. 
L'importance de la contestation - des dizaines de milliers de manifestants lors de chaque sommet - explique que la puissance hôte, en charge de la sécurité des participants, déploie systématiquement des forces de police conséquentes. 

  • Le G20 : quelle gouvernance mondiale? 



Créé en 1999, après une décennie marquée par les crises financières, le G 20 ne se substitue pas au G8, mais répond à une volonté d'élargissement. Il comprend toujours le noyau dur des économies industrialisées présentes dans le G8, renforcé par l'Union Européenne représentée par le président du Conseil et le président de la Banque centrale (donc 2 représentants). Il intègre en outre des économies émergentes (10 au total), dont deux font partie des pays du Nord (Australie, Corée du Sud), et huit des pays du Sud : Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Indonésie, Mexique, Turquie. 

Le contexte de sa naissance est, comme cela avait été le cas pour le G7, celui de la crise, financière cette fois.  : 
"The G20 was established in 1999, in the wake of the 1997 Asian Financial Crisis, to bring together major advanced and emerging economies to stabilize the global financial market. Since its inception, the G20 has held annual Finance Ministers and Central Bank Governors' Meetings and discussed measures to promote the financial stability of the world and to achieve a sustainable economic growth and development". (page d'accueil du site officiel du Groupe des 20)
Le G20 est donc d'abord le cadre d'une concertation financière au plus haut niveau. D'où le fait que le G20 se décline à l'heure actuelle sous trois formes : réunion des chefs d'Etat et de gouvernement (depuis 2008 seulement), mais surtout G20 Finance (réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales), et, enfin, G20 sociaux ( réunion des ministres de l'emploi). Comme pour le G8, la présidence en est tournante.
Instrument destiné à favoriser la stabilité financière internationale, le G20 est, comme le G8, en butte à la contestation du mouvement altermondialiste. Il est le reflet des économies dominantes : les pays du G20 représentent 66% de la population mondiale, 90% du PIB, et 78% du commerce mondial. 

Pour en savoir plus : 

http://www.la-croix.com/Le-G20-mode-d-emploi/article/2445414/4079

http://www.la-croix.com/Infographie-animee-sur-l-economie-des-pays-du-G20/documents/2445255/47605

Les derniers sommets ont eu lieu à Washington (2008), Londres (avril 2009), Pittsburgh (septembre 2009), Toronto (juin 2010), Séoul (novembre 2010).





G20, 2008, Washington, premier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement


Sommet de Séoul, 2010
Il est néanmoins une tribune dans laquelle les superpuissances émergentes ( les BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine) peuvent faire entendre leur voix, une voix éventuellement discordante dans le concert de la mondialisation dominé par le chef d'orchestre Etats-Unis. 


2009, Iekaterinbourg (Russie), premier sommet du nouveau groupe des BRIC. De gauche à droite : Manmohan SING (Inde), Dimitri MEDVEDEV (Russie), Hu JINTAO (Chine), Lula DA SILVA (Brésil)


Sources :
Christian HOCQ, Dictionnaire d'histoire et de géographie, Terminale, Ellipses, 1997, p. 105
Site du réseau des Acteurs d'Europe (cercle de l'industrie) : www.euractiv.fr
Site officiel du G2O (Finances)  : www.g20.org
Géopolitique et enseignement supérieur : www.diploweb.com
Wikipedia, images libres de droits

dimanche 16 janvier 2011

La "révolution du Jasmin" en Tunisie



La révolution qui, au terme d'un mois de manifestations, d'émeutes, de répression en Tunisie a mis un terme  inattendu au pouvoir dictatorial du président Zine el-Abidine ben Ali a déjà trouvé un surnom : la "révolution du jasmin".
L'appellation fait évidemment référence à la fleur qui participe du charme reconnu à la Tunisie. Elle peut aussi sous-entendre une révolution paisible, pure, enracinée (comme le buisson qui porte les fleurs du jasmin) dans le terreau tunisien. 

Paisible? Rien n'est moins évident puisque la révolution qui vient de se produire s'est inscrite dans un climat de grande violence, le pouvoir tunisien ayant fait le choix de répondre aux manifestations par la répression policière. Le bilan officieux serait d'au moins 100 morts. De plus, l'événement déclencheur de la révolution est d'une grande violence : le 17 décembre 2010, un jeune diplômé, vendeur de fruits et légumes à la sauvette, Mohamed Bouazizi, s'est vu confisquer sa marchandise sur les marchés de Sidi Bouzid (voir carte). Suite au refus des autorités d'écouter ses explications, il a fait le choix de s'immoler par le feu sur la place de la Préfecture. Laissé dans un état critique, il est finalement décédé le 4 janvier 2011. D'autres suicides ont suivi, actes de désespoir face à l'autisme du pouvoir politique.

Pure? Il est impossible de le dire, et la question n'a pas forcément grand sens. Qui peut juger de la pureté des motivations d'un mouvement social? Ce qui est certain, c'est que les motivations en question ont été niées par le pouvoir politique, qui a voulu voir dans les manifestations des "incidents isolés", fruit d'une "manipulation politique" et de l'agitation d'une "minorité extrémiste". 
C'était nier la réalité des problèmes économiques et sociaux qui frappent la Tunisie ( au même titre que d'autres pays proches ) : le chômage, la cherté de la vie. Le chômage global est en effet estimé à 14%; celui des jeunes diplômés serait de l'ordre du double. Les jeunes - nombreux en Tunisie où le groupe des moins de 15 ans représente encore 27% de l'ensemble de la population - ont, sans doute à juste titre, le sentiment de former une génération sacrifiée. 
C'était aussi nier l'aspiration à la démocratie qui a porté la vague de manifestations. Le pouvoir a répondu aux manifestants par la force, la négation, les promesses économiques (création d'emplois, injection de fonds). Il a finalement tenté une réponse politique : dans sa troisième allocution télévisée (le 13 janvier 2011), le président Ben Ali s'engageait à quitter le pouvoir en 2014. C'est-à-dire à ne pas se représenter aux élections présidentielles prévues pour 2014. C'est-à-dire de ne pas briguer un 6ème mandat, après avoir été élu triomphalement en 1989, 1994, 1999, 2004 puis 2009, dans le cadre d'élections sous haute surveillance policière, - ce dont les scores obtenus par le candidat témoignaient amplement (plus de 99% des suffrages). La promesse n'a pas suffi.  Et l'ampleur de la contestation, - malgré l'état d'urgence, l'instauration du couvre-feu - a imposé la fuite au dictateur (14 janvier 2011), désormais accueilli en Arabie saoudite. 

Extrêmement rapide, la "révolution du jasmin" plonge ses racines dans une situation politique, économique et sociale fortement dégradée depuis les années 1980. Les racines de l'explosion de décembre 2010 sont donc profondes. 
Elles s'ancrent dans la haine sourde - et pour cause - à l'égard d'un pouvoir dictatorial teinté de népotisme. Ben Ali était au pouvoir depuis 1987. A l'époque, le président Bourguiba avait commis l'erreur de le nommer premier ministre. Ben Ali l'avait fait déposer pour "sénilité" et avait pris sa place. Son arrivée au pouvoir a semblé coïncider avec une libéralisation du régime : suppression de la présidence à vie (instaurée par Bourguiba à son profit en 1975), pluralisme (existence de plusieurs partis politiques autorisés, à l'exception des islamistes poursuivis)... Mais, si la présidence à vie a été supprimée, dans les faits, le pouvoir de Ben Ali s'est inscrit dans la durée (23 ans). La façade démocratique a permis le développement d'une opposition, dont la création en 2005 du "Collectif du 18 octobre pour les droits et les libertés" (mouvement regroupant les opposants de diverses tendances, y compris les islamistes) signale l'importance. Cette opposition à la fois ouverte (puisque la liberté d'expression est reconnue par la Constitution tunisienne ) et souterraine (puisque dans les faits la surveillance policière dissuade l'expression de l'opposition) : celle des étudiants, des avocats, des journalistes, s'est ralliée au mouvement spontané déclenché par le suicide de Mohamed Bouazizi. Elle a donné à la contestation des armes puissantes, et en particulier, celles des réseaux sociaux et des sites internet de la dissidence. Ce sont eux qui ont fait connaître la violence de la répression.

Vidéo Youtube. Origine Nawaat, principal site de la cyberdissidence


Les racines de la révolution du jasmin plongent aussi, et surtout, dans les difficultés économiques et sociales qui se sont accentuées depuis le début des années 1980. Certes, la Tunisie affiche des résultats économiques flatteurs : une croissance économique soutenue (le taux de croissance du PIB est en moyenne de 4,6% pour les années 2002-2006), un revenu moyen des habitants en progrès (le RNB/ppa frôle les 8 000 $ /hbt)... Elle est de ce fait largement considérée comme un modèle de développement par la communauté internationale. La Tunisie est membre de l'OMC et a signé un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Mais ces succès sont d'abord ceux des villes aux dépens des campagnes, ceux du littoral touristique au détriment des campagnes intérieures. Et les difficultés des populations malmenées par le contexte économique ne sont pas nouvelles : en 1983-1984 déjà, Tunis et surtout le sud du pays avaient connu des "émeutes du pain". Depuis, le régime tunisien a résolument fait le choix du libéralisme économique, du libre-échange et de l'inscription dans une économie mondialisée. Ce n'est pas un hasard si la "révolution du jasmin" est partie de l'intérieur des terres ( Sidi Bouzid, Thala, Regueb, Kasserine ) pour gagner ensuite les villes du littoral (Sousse, Sfax). 

Tunisie : carte du relief et des principales villes



Sources : 
Carte : www.lexilogos.com/tunisie_carte.htm
Site Jeune afrique : données chiffrées, chronologie. www.jeuneafrique.com
"Des tunisiens dans la rue contre le chômage", Le Figaro, 28/12/2010
Chronologie de la Tunisie (1956-2010), L'Express, 11/01/2011
"La "révolution du jasmin" de Sidi Bouzid à la fuite de Ben Ali", Libération, 15/01/2011
Kamel Labidi, "Du protectorat français à la dictature sans fard. La longue descente aux enfers de la Tunisie", Le Monde diplomatique, mars 2006. En ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/2006/03/LABIDI/13253


samedi 15 janvier 2011

L'imaginaire colonial (1)

L'imaginaire colonial est véhiculé par le livre, l'art ( la peinture particulièrement), la chanson, les images provenant des colonies ( cartes postales), les affiches ... Les expositions coloniales, organisées en métropole pour "exposer" le monde colonial ( ses richesses, ses habitants, sa diversité ), donnent lieu à des affiches qui témoignent de cet imaginaire colonial.

Affiche de l'Exposition coloniale, Porte de Vincennes, 1931

L'exposition coloniale de 1931 est sans doute la plus importante. L'affiche ci-dessus montre la force de l'Empire (des empires qui sont à l'échelle mondiale comme l'atteste le commentaire "le tour du monde en un jour") par le biais de ses composantes, représentées de manière extrêmement typée. Au premier plan (dans l'imaginaire français) se trouve la figure de l'asiatique, ou, de l'annamite (originaire de la provinee d'Annam, en Indochine). 

Les femmes sont une figure majeure de l'imaginaire colonial et plus généralement, de l'attrait pour l'exotisme. Des visions stylisées en sont proposées par les différentes affiches, beaucoup plus édulcorées que celles que l'on trouve dans la peinture ou la littérature. Ici, la femme - protégée par le drapeau français -  est nourricière et gardienne des traditions. 


Exposition coloniale, agricole et industrielle de Strasbourg, 1924


Exposition coloniale de Marseille 1922

Mais la réalité des relations entretenues ( ou envisagées ) avec les femmes des colonies est plus prosaïque. C'est la femme asiatique qui cristallise toutes les attentes et tous les fantasmes. En témoigne cette carte postale adressée par un français installé en Indochine, annotée de sa main à destination de son destinataire : " Mon cher ... Laquelle préfères-tu? Moi je prends l'autre". 
Carte postale, 1906 (reproduite dans l'article cité)
Dans les faits, les Français installés en Indochine sont le plus souvent célibataires et la relation avec la "congaï"(le terme signifie "fille" en vietnamien et est utilisé par les Français pour femme, maîtresse, compagne ) n'est pas interdite. La prostitution est même strictement organisée par les autorités coloniales : prendre un territoire, c'est aussi en dominer les femmes.
La beauté des indochinoises a fait rêver plusieurs générations de Français (la conquête du Vietnam du sud commence en 1858). Romans et chansons en témoignent. On peut citer pour exemple de cette littérature consacrée aux "amours coloniales" le roman de Jean Marquet (1927), intitulé La Jaune et le Blanc. Le roman véhicule le cliché d'une population féminine à la sexualité débridée - ceci étant évidement lié ( comme chacun sait ) à la "race" ou au climat torride. Dans le domaine de la chanson - qui a une importance essentielle à l'époque -, la plus connue est sans doute : la petite Tonkinoise, créée en 1906. Elle a été reprise par de nombreux chanteurs, dont Josephine Baker, qui met sa renommée à son service en 1930. 


Voir ci dessous les paroles de la chanson, ainsi que l'une des premières versions.

mardi 11 janvier 2011

Détroit ou la fin d'une époque


  • Une ville symbole


En 2010, le réalisateur Florent Tillon réalise un documentaire intitulé : "Détroit, ville sauvage". Consacré à la ville qui fut, pendant toute la première moitié du XXe siècle le symbole de la réussite américaine, de la civilisation automobile, de l'American way of life, il en dévoile le nouveau visage, celui d'une ville dévastée.

RIDM - Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal




Les données chiffrées corroborent cette vision :


La ville de Detroit a perdu plus de la moitié de sa population en un demi-siècle, soit près de 1 million de personnes et elle compte désormais moins d'un million d'habitants. Près de 30% de son espace urbain est déserté par ses habitants : maisons et immeubles vides, quartiers déserts et sans vie... C'est la "shrinking City", la "ville qui rétrécit". Le taux de chômage avoisine 29%, un tiers des habitants vit sous le seuil de pauvreté, le taux de mortalité infantile est de 18 pour mille (chiffre comparable à celui de pays du Sud économique). Loin du multiculturalisme qui serait le symbole de l'attraction américaine, c'est une ville dont la population est composée à 90% de noirs, avec une ségrégation spatiale qui oppose nettement un centre-ville dévasté et des banlieues (suburbs) blanches. 
Ségrégation spatiale à Détroit.
Source : Le Monde diplomatique
La désaffection de la gare centrale de Détroit, Michigan Central Station,  fermée au trafic depuis 1988, est un signe éclatant de ce déclin.

Michigan Central Station (ou Depot), façade principale. 

Lien vers le site de David Kohrman, un amoureux de l'histoire et des monuments, qui a réalisé un site proposant des photographies sublimes de nombreux monuments aujourd'hui abandonnés (et particulièrement de Michigan central station) dans le but de servir leur renaissance :  
http://www.forgottendetroit.com/mcs/index.html

  • Quand "Motor City" devient "Murder City" ou "Devil City"
La ville de Detroit est, par excellence, la ville de l'automobile. Siège de la General Motors, de Chrysler et de Ford (les "big Three" américaines), elle a, jusqu'au début des années soixante, représenté à elle seule près de 90% de la production automobile américaine. La ville est alors l'une des cités les plus prospères de la manufacturing belt, le quart nord-est du pays, essentiel à l'industrie lourde (métallurgie, sidérurgie) et à celle des biens de consommation. Elle est au coeur du centre de gravité démographique du pays ( donc, un énorme marché de consommation) et bénéficie de l'apport migratoire des européens quand elle attire aussi les populations noires des états du sud des Etats-Unis.
Dans les années soixante se produit un tournant dont les effets ne se font pas immédiatement sentir. Comme d'autres grandes villes américaines, Détroit est touchée par des émeutes particulièrement violentes. La population blanche amorce alors un mouvement de départ du centre-ville au profit des banlieues.
Un documentaire proposé par Arte en 2010 revient sur ces émeutes :





La musique de fond utilisée dit à elle seule le trauma que représentent les émeutes : "Motor City is burning". C'est un titre de John Lee Hooker ( créé en 1943 lors d'émeutes à Détroit), repris par MC5 (un garage band de Detroit) en 1967, en hommage aux émeutiers. 

Pour en savoir plus sur ce titre et découvrir un excellent site : 
http://lhistgeobox.blogspot.com/2009/03/150-mc5-motor-city-is-burning.html

De plus, à partir des années soixante, l'activité industrielle se redistribue sur le territoire au profit de régions industrielles nouvelles (les usines de montage automobile s'installent à Los Angeles, Saint Louis, Atlanta...). Le Nord-est connaît une désindustrialisation qui se traduit par la baisse de l'emploi industriel. La manufacturing belt se transforme progressivement en rust belt (ceinture de la rouille). Cette dynamique est renforcée par les difficultés que rencontre l'industrie automobile américaine dans les années 1970 et 1980. L'industrie des "grosses américaines" est frappée de plein fouet par les chocs pétroliers, la concurrence des industries allemande et japonaise s'accentue.
A la fin des années quatre-vingt, le déclin de Détroit est perceptible. Les manuels scolaires en donnent cependant une version très atténuée : "Détroit et ses environs (Flint) restent le coeur de l'industrie automobile, avec les sièges sociaux de General Motors, Ford et Chrysler, les bureaux d'études et un bon tiers de la production nationale" (manuel de Terminale, Nathan, 1995). Le cinéma, par contre, attire l'attention, de manière contrastée : En 1987, Détroit est la toile de fond choisie pour le film Robocop (Détroit est devenue "murder city"). Deux ans plus tard, Mickael Moore signe un premier film de remise en cause du système américain, en prenant pour décor non pas Détroit, mais la ville proche de Flint ( sa ville natale), qui connaît une évolution similaire. L'une des scènes du film propose de manière totalement décalée une vision des quartiers abandonnés sur fond de Beach Boys : 

http://www.youtube.com/watch?v=6sPrDTI21RM

La crise des subprime (crédits hypothécaires à taux variables ) des années 2000  sonne le glas de villes déjà sinistrées. Des prêts à taux variables ont été accordés à partir de 2002 à de nombreux ménages, souvent modestes, voire peu solvables, pour accéder à la propriété. De nombreux ménages s'endettent. Les prêts s'accumulent, sont repris par des fonds de pension, et la bulle financière ainsi créée éclate en 2006. Les ménages se retrouvent avec des biens dont la valeur est très en dessous du prêt, et, incapables de rembourser, ils sont obligés de les abandonner suite à des mesures de saisies.


Sources : 
Allan Popelard et Paul Vannier, "Détroit. La ville afro-américaine qui rétrécit", Le Monde diplomatique, janvier 2010.  

lundi 10 janvier 2011

CARTO, le monde en cartes

Une nouvelle revue de géographie est née fin 2010 : Carto. Elle propose un dossier spécifique (dans le dernier numéro, un dossier consacré à l'agriculture à l'échelle mondiale : "Nourrir le monde en 2050") et traite de questions d'actualité. La carte permet d'inscrire le phénomène dans l'espace, de mesurer son évolution, de revenir éventuellement sur ses origines... Les questions abordées peuvent relever d'une actualité qui n'est que peu abordée en classe ( par exemple les Roms ou le sort de la Belgique), mais apportent aussi un éclairage intéressant sur des questions au programme des classes de lycée. La cartographie est très soignée.




Le CDI devrait s'abonner à la revue incessamment. 

dimanche 9 janvier 2011

La guerre froide : périodisation et révisions


La guerre froide couvre une longue période et il est parfois difficile de repérer l'essentiel. De plus, il importe d'inscrire les événements de la Guerre froide dans un contexte plus général, impliquant d'autres questions : l'émergence du Tiers Monde, l'évolution économique, etc.

Des tableaux de synthèse sont donc proposés ici pour vous aider à avoir une vue d'ensemble de la période du second 20e siècle : les trois premiers portent sur les relations internationales, les deux derniers sur l'évolution économique.

Le plus simple : 
Les relations est-ouest 1945-1991
La même période, en plus détaillé ( deux tableaux) :
Modèles idéologiques et confrontation est-ouest de 1945 aux années 1970

La fin du monde bipolaire (années 1970 à 1991)

L'évolution économique :
De la société industrielle à la société de communication

Les domaines de la recherche et les principales innovations ( et oui, il y a eu une vie avant le Ipod!)

Pour ceux qui ne parviennent toujours pas à se repérer ou que la précision de ces frises chronologiques n'aiderait pas, l'essentiel est mis en évidence sur ces deux courtes fiches de révision : 





Enfin, un petit quiz ( 25 questions) sur la guerre froide. 
Quiz : Au temps de la Guerre froide (1945-91)

Sources :
manuel de Terminales L, ES, S, édition Magnard, 2008.
Manuel de Terminales L, ES, S, édition Bordas, 2008

1er juillet 1991, la dissolution du Pacte de Varsovie



  • Une dissolution sans surprise
Le 1er juillet 1991, l'alliance entre les pays d'Europe de l'Est est totalement dissoute, malgré la volonté de l'URSS de conserver ses structures politiques.

La cérémonie d'enterrement du pacte de Varsovie a eu lieu à Prague, dans la salle de réception du palais Czernin, siège du ministère tchécoslovaque des affaires étrangères. Sont présents les représentants des 6 pays encore membres (URSS, Pologne, Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie), en la personne de leurs présidents, à une exception près : Gorbatchev n'a pas fait le déplacement, et l'URSS est représentée par son vice-président.
A l'exception de l'URSS, tous les participants envisagent la dissolution du pacte sans regrets. Vaclav Havel, qui préside la réunion, exprime le sentiment dominant : "Ce jour constitue la fin d'une ère de haine, de confrontations et de division de l'Europe en blocs et le début d'une époque historique fondée sur de nouvelles structures reposant sur des relations équilibrées entre les pays de l'ancien bloc soviétique".


  • La fin d'une époque
Les huit pays du bloc oriental (URSS et sept démocraties populaires) avaient signé le 14 mai 1955 dans la capitale polonaise ce que l'on a pu considérer comme "l'OTAN de l'Est"( titre du journal Le Monde du 17 mai 1955). Dans la presse soviétique, comme dans celle des démocraties populaires, le pacte est célébré comme une contribution essentielle à la coexistence des deux blocs.





Calqué sur l'OTAN dont il se veut la réplique, le Pacte de Varsovie intègre les armées d'Europe de l'Est ( à l'exception de celle de la RDA, initialement ) à celle de l'URSS. Le commandement en chef est confié à un général de l'armée soviétique.

  • Un traité qui a servi à l'encontre de ses membres...
Selon les termes du traité d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle signé à Varsovie, le pacte devait garantir aux pays socialistes la possibilité d'être défendus en cas d'agression extérieure. Il créait une solidarité militaire entre états signataires : 
"Art3 : Les parties contractantes se consulteront d'urgence chaque fois que, de l'avis de l'une d'entre elles, surgira une menace d'agression armée contre un ou plusieurs Etats signataires du traité afin d'assurer la défense collective et de maintenir la paix et la sécurité."

Paradoxalement, ce traité n'a servi qu'à l'encontre de l'un de ses membres, la Tchécoslovaquie. En 1968 en effet, les troupes du pacte de Varsovie ( roumaines exceptées) entrent en Tchécoslovaquie pour mettre fin au printemps de Prague. 
Les chars soviétiques à Prague

  • La dissolution du pacte de Varsovie autorise l'expansion de l'OTAN
En juillet 1991, l'URSS avait exprimé le voeu que la dissolution du pacte de Varsovie débouche sur celle de l'OTAN. Il n'en a rien été, au contraire, puisque les états ex-membres du Pacte de Varsovie ont rejoint l'ex-organisation rivale du temps de la Guerre Froide ( à l'exception de la Russie qui est néanmoins partenaire de l'OTAN).

L'OTAN en 2010


Sources :
Le Monde, L'histoire au jour le jour, numéro spécial, La Guerre froide 1944-1994, 1994.
Le Monde, L'histoire au jour le jour, tome V, le retour des nations, 1986-1991, 1992
Christian Hocq, Dictionnaire d'histoire et de géographie, Terminale, Ellipses, 1997.
Carte des démocraties populaires, manuel Histoire, Terminales ES, L, ES, collection Laurent Bourquin, Belin, 2004, p. 221.
Cartothèque de la documentation française ( carte de l'OTAN) : www.ladocumentationfrançaise.fr/
Site web de TV5 pour la video relative à la signature du pacte de Varsovie

samedi 8 janvier 2011

23 août 1989, une chaîne humaine traverse les pays baltes

  • Une immense chaîne humaine



Le 23 août 1989, une immense chaîne humaine rassemble près de 2 millions de personnes le long des routes traversant les pays baltes, depuis Tallin en Estonie jusqu'à Vilnius en Lituanie. Ce rassemblement, d'une ampleur sans précédent, cherche à attirer l'attention du monde sur la situation des baltes, dans un contexte de forte évolution du camp soviétique : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie sont en effet touchés par un vent de démocratisation sous le regard bienveillant de l'URSS. Pourquoi les républiques baltes, annexées en 1940 par l'URSS - et donc intégrées à l'URSS - devraient-elles taire leur aspiration à l'indépendance? 


  •  Une date symbolique, le 23 août 1989

Le message porté par les participants à cette chaîne humaine ("the baltic way" dans la presse anglo-saxonne) est clair : il s'agit de dénoncer la domination soviétique "autorisée" par les accords secrets du pacte germano-soviétique signé le 23 août 1939, entre l'URSS stalinienne et l'Allemagne nazie. Des protocoles secrets donnaient la Finlande, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie et une partie de la Pologne et de la Roumanie à l'URSS. Depuis 1987, en signe de protestation, les baltes portaient un ruban noir pour commémorer, le 23 août, la signature du pacte qui avait décidé de leur aliénation. 



La carte proposée ci-dessous montre qu'en application de ces protocoles, l'URSS a annexé les territoires baltes à l'été 1940 et modifié les frontières (territoires polonais intégrés à la RSS de Lituanie, mais aussi territoires baltes cédés à la plus grande des républiques soviétiques, celle de Russie). Elle met par ailleurs en évidence le tracé emprunté par cette "voie balte", longue de près de 650 km. 



  • Lendemains de mobilisation...
L'URSS, dont les troupes sont pourtant présentes sur les territoires concernés par la manifestation ( et pour cause, puisque ces territoires sont devenus soviétiques en 1940), n'a pas osé alors riposter par la force à cette action non-violente. 
Les pays baltes proclament leur indépendance en 1990. Cette proclamation essuie une fin de non-recevoir de la part de l'URSS de Gorbatchev ( sommé par l'opposition conservatrice de préserver l'héritage soviétique, en particulier territorial), qui tente une reprise en mains par la force en janvier 1991. Ont alors lieu des affrontements violents, particulièrement en Lituanie, à Vilnius. 
Ce n'est que le 6 septembre 1991 que l'URSS reconnaît officiellement l'indépendance des trois républiques baltes.

  • La chaîne humaine de 1989 : un objet de mémoire


Sur le parvis de la cathédrale de Vilnius (photo ci-dessus), terme de la chaîne formée en août 1989, une plaque commémorative en rappelle le souvenir. 


Sources : le site du Parlement européen (http://www.europarl.europa.eu/), des images libres de droit sur Google, et les sites suivants : www.diploweb.com (revue géopolitique on line, extrêmement intéressante) et http://www.atlas-historique.net ( cartes historiques très bien réalisées, qui ne peuvent être utilisées que pour un usage privé).