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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

samedi 15 janvier 2011

L'imaginaire colonial (1)

L'imaginaire colonial est véhiculé par le livre, l'art ( la peinture particulièrement), la chanson, les images provenant des colonies ( cartes postales), les affiches ... Les expositions coloniales, organisées en métropole pour "exposer" le monde colonial ( ses richesses, ses habitants, sa diversité ), donnent lieu à des affiches qui témoignent de cet imaginaire colonial.

Affiche de l'Exposition coloniale, Porte de Vincennes, 1931

L'exposition coloniale de 1931 est sans doute la plus importante. L'affiche ci-dessus montre la force de l'Empire (des empires qui sont à l'échelle mondiale comme l'atteste le commentaire "le tour du monde en un jour") par le biais de ses composantes, représentées de manière extrêmement typée. Au premier plan (dans l'imaginaire français) se trouve la figure de l'asiatique, ou, de l'annamite (originaire de la provinee d'Annam, en Indochine). 

Les femmes sont une figure majeure de l'imaginaire colonial et plus généralement, de l'attrait pour l'exotisme. Des visions stylisées en sont proposées par les différentes affiches, beaucoup plus édulcorées que celles que l'on trouve dans la peinture ou la littérature. Ici, la femme - protégée par le drapeau français -  est nourricière et gardienne des traditions. 


Exposition coloniale, agricole et industrielle de Strasbourg, 1924


Exposition coloniale de Marseille 1922

Mais la réalité des relations entretenues ( ou envisagées ) avec les femmes des colonies est plus prosaïque. C'est la femme asiatique qui cristallise toutes les attentes et tous les fantasmes. En témoigne cette carte postale adressée par un français installé en Indochine, annotée de sa main à destination de son destinataire : " Mon cher ... Laquelle préfères-tu? Moi je prends l'autre". 
Carte postale, 1906 (reproduite dans l'article cité)
Dans les faits, les Français installés en Indochine sont le plus souvent célibataires et la relation avec la "congaï"(le terme signifie "fille" en vietnamien et est utilisé par les Français pour femme, maîtresse, compagne ) n'est pas interdite. La prostitution est même strictement organisée par les autorités coloniales : prendre un territoire, c'est aussi en dominer les femmes.
La beauté des indochinoises a fait rêver plusieurs générations de Français (la conquête du Vietnam du sud commence en 1858). Romans et chansons en témoignent. On peut citer pour exemple de cette littérature consacrée aux "amours coloniales" le roman de Jean Marquet (1927), intitulé La Jaune et le Blanc. Le roman véhicule le cliché d'une population féminine à la sexualité débridée - ceci étant évidement lié ( comme chacun sait ) à la "race" ou au climat torride. Dans le domaine de la chanson - qui a une importance essentielle à l'époque -, la plus connue est sans doute : la petite Tonkinoise, créée en 1906. Elle a été reprise par de nombreux chanteurs, dont Josephine Baker, qui met sa renommée à son service en 1930. 


Voir ci dessous les paroles de la chanson, ainsi que l'une des premières versions.

Pour qu'j'finisse 
Mon service 
Au Tonkin je suis parti 
Ah! Quel beau pays mesdames 
C'est l'paradis des p'tites femmes 
Ell's sont belles 
Et fidèles 
Et j'sui dev'nu l'chéri 
D'un' p'tit' femm' du pays 
Qui s'appell' Mélaoli 
Refrain: 
Je suis gobé d'un' petite 
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite 
Elle est vive elle est charmante 
C'est comm' un z'oiseau qui chante 
J'l'appell' ma p'tit bourgeoise 
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise 
Y'en a d'autr's qui m'font les doux yeux 
Mais c'est ell' que j'aim' le mieux. 
L'soir on cause 
Des tas d'choses 
Avant de se mettre au pieu 
J'apprends la géographie 
D'la Chine et d'la Manchourie 
Les frontières 
Les rivières 
Le fleuv Jaun' et le fleuv' Bleu 
Y'a mêm' l'Amour, c'est curieux 
Qu'arros' l'Empir' du Milieu 
Très gentille 
C'est la fille 
D'un mandarin très fameux 
C'est pour ça qu'sur sa poitrine 
Elle a deux p'tites mandarines 
Peu gourmandes 
Ell' ne d'mande 
Quand nous mangeons tous les deux 
Qu'une banane c'est peu coûteux 
Moi j'y en donne autant qu'elle veux 
Mais tout passe 
Et tout casse 
En France je dus rentrer 
J'avais l'coeur plein de tristesse 
L'âme en peine 
Ma p'tite reine 
Était v'nue m'accompagner 
Mais avant d'nous séparer 
Je lui dis dans un baiser 
Ne pleur' pas si je te quitte 
Petite Anna, petite Anna, p'tite Annamite 
Tu m'as donné ta jeunesse 
Ton amour et tes caresses
T'étais ma p'tite bourgeoise 
Ma Tonkiki, ma Tonkiki, ma Tonkinoise 
Dans mon cœur j'garderai toujours 
Le souv'nir de nos amours.



Sources :
Alain Ruscio, "Les amours coloniales", dans le dossier consacré à L'Indochine au temps des Français, L'Histoire, octobre 1996, N°203, p. 38.
Isabelle Tracol-Huynh, "La prostitution au Tonkin colonial, entre races et genres", Genre, sexualité et société, (en ligne) n° 2, automne 2009.
www.herodote.net

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