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Au fil des questions au programme d'histoire-géographie des classes de lycée. Des commentaires, exercices, rappels, ...

samedi 30 avril 2011

1er mai, brève histoire d'un combat social


  • Un combat né aux Etats Unis dans les grandes villes industrielles de l'Est
La révolte de Haymarket Square, Chicago, 1886
En 1884, les syndicats réunis au sein de la puissance American Federation of Labor font de la journée de huit heures une de leurs principales revendications. Ils se donnent deux ans pour parvenir à l'imposer aux patrons. Le 1er mai est choisi pour débuter l'action car c'est un repère simple aux Etats-Unis, où de nombreuses entreprises utilisent cette date pour débuter leur année comptable. 
Le 1er mai 1886, le défi est inégalement relevé. De nombreux travailleurs ont obtenu gain de cause auprès de leurs employeurs ; mais de nombreux autres doivent lancer un mouvement de grève pour obtenir satisfaction. Ces grèves, accompagnées de manifestations, font des morts dans les rangs des manifestants. A l'issue d'une marche de protestation, une bombe explose dans les rangs de la police (révolte de Haymarket Square). 15 morts sont dénombrés. La répression est conséquente : 3 syndicalistes condamnés à la prison à perpétuité, 5 pendus. 
  • Une manifestation de l'Internationale Socialiste pour les 8 heures
Affiche de Grandjouan pour les 8 heures, 1907
En 1889, la IIe Internationale socialiste (regroupement de tous les partis socialistes, parmi lesquels la SFIO française et le SPD allemand jouent un rôle majeur) décide de faire des huit heures un objectif majeur. La durée du travail est alors souvent supérieure à 10 heures/jour et ce pendant six jours. L'obtention des 8 heures équivaudrait à une semaine de 48 heures. Pour obtenir gain de cause, les membres de la IIe Internationale décident qu'il sera organisé "une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail (...)". La date de cette manifestation est fixée au 1er mai, en hommage au combat déjà initié par les syndicalistes américains. 
  • Une journée symbolique à bien des égards
En avril 1919, la loi sur les 8 heures est adoptée en France. La journée de manifestation du 1er mai ne disparaît pas pour autant. Elle a des symboles : le triangle rouge (symbole de la division de la journée en 3 parties égales), l'églantine, le muguet. Elle a aussi un passé et des victimes, comme les 9 morts de Fourmies du 1er mai 1891, lorsque la troupe avait tiré sur les manifestants avec le tout nouveau fusil Lebel. Elle est aussi symbole d'espérance : le jeune régime soviétique en a fait une journée chômée. Au delà des 8 heures, il s'agit d'obtenir une amélioration de la condition ouvrière et de manifester l'unité du monde ouvrier.


C'est ce qui explique que les manifestations du 1er mai prennent une dimension particulière au printemps 1936. Elles ont lieu entre le 1er et le second tour des élections législatives, qui doivent permettre la victoire du Front Populaire (alliance électorale entre les socialistes, les radicaux et les communistes). Témoigner de l'unité ouvrière, et des attentes du monde ouvrier,  est alors particulièrement important. 


Paradoxalement, c'est le régime de Vichy qui consacre le 1er mai en en faisant une journée chômée ET payée. Le maréchal Pétain prétend par ce geste démontrer que la page de la division est tournée, et que Vichy ouvre une ère nouvelle dans les rapports sociaux. 


Mes Amis,

J’ai tenu à passer au milieu de vous cette journée du 1er mai, la première depuis l'armistice, afin de bien marquer le sens et l'importance que j'attache à l'idée du travail autour de laquelle doit s'opérer, selon moi, la réconciliation de tous les Français.

Le 1er mai a été, jusqu'ici, un symbole de division et de haine ; il sera désormais un symbole d'union et d'amitié parce qu'il sera la fête du travail et des travailleurs.

(...)
Maréchal Pétain, Discours du 1er mai 1941. 


Sources :
le site Hérodote : http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=18860501

vendredi 29 avril 2011

Images de Tunisie trois mois après la révolution du jasmin

Voilà un message qui prend le risque de la brièveté...
Une recherche sur l'actualité tunisienne - lancée sur Internet - donne de biens maigres résultats. 


Le nouveau chef de la diplomatie française, Alain Juppé, s'est rendu en Tunisie  (20-21 avril) pour rassurer sur les bonnes intentions de la France. Il a promis une aide de 350 millions d'euros sous forme de prêt et fait part aux gouvernants tunisiens de l'invitation adressée par le président de la République Nicolas Sarkozy à assister à la réunion du G8 prévue à Deauville, fin mai 2011. 



Le chef de la diplomatie française qui effectue une visite de travail en Tunisie (20-21 avril 2011) qu'il a qualifiée de « voyage d'amitié et de solidarité » a mis l'accent, à l'issue de sa rencontre avec M. Caid Essebsi, sur "les relations profondes et anciennes" qu'entretiennent la Tunisie et la France "sur tous les plans". Evoquant la Révolution du 14 janvier, le ministre français a salué « un grand mouvement » parti de la Tunisie et qui touche désormais tout le monde arabe suscitant beaucoup d'admiration et de respect auprès des français.
Ce mouvement, a-t-il ajouté, s'est passé avec un grand sens de responsabilité et avec beaucoup de maturité politique. Il a affirmé que " La France souhaite profondément le succès de ce mouvement qui voit s'affirmer des idées auxquelles nous tenons depuis longtemps, à savoir la liberté des peuples et celle des citoyens, mais également la liberté d'expression, la démocratie et les droits de l'Homme».
Le ministre français des Affaires étrangères a, en outre, déclaré qu'il est venu porter une invitation adressée par Nicolas Sarkozy, président de la République française, à la Tunisie pour assister à la réunion du G8 prévue à Deauville, à la fin du mois de mai prochain.
(site de l'ambassade  tunisienne en France
http://ambassade-tunisie.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=175&Itemid=1 )

Des élections auront lieu en juillet. Les cadres de l'ex-parti au pouvoir ( le RCD, Rassemblement constitutionnel démocratique, fondé par Ben Ali en 1988), dissous en mars 2011, ne pourront s'y présenter. L'éradication du parti de l'ex-président, qui a incarné la dictature des années Ben Ali, est un signal fort de la volonté de changement. 
Les autorités de transition ont décidé de couper la poire en deux : elles interdisent aux anciens cadres du RCD, l'ex-part au pouvoir, de se présenter mais « seulement » à ceux qui officiaient ces dix dernières années. La Haute commission chargée de préparer l'élection de l'assemblée constituante de juillet souhaitait, elle, faire table rase du passé et voulait exclure ceux qui avaient assumé une responsabilité durant les vingt-trois ans de règne de Zine el-Abidine Ben Ali.
Pour le Premier ministre par intérim, Beji Caïd Essebsi, remonter aussi loin dans le temps aurait été trop sévère cela aurait pénalisé ceux qui se sont opposés en cours de route à l'ex-président et les cadres du RCD qui ont été réprimés par les autorités. La mesure aurait certainement aussi fait beaucoup de mécontents tout simplement.
Pour qu'il n'y ait pas d'ambigüité une liste nominative sera dévoilée par Foued Mebazza le président par intérim. Elle comprendra les noms des responsables de l'ancien gouvernement et du RCD qui ont travaillé avec Ben Ali. Seront aussi interdits d’élection les membres du cabinet présidentiel et les conseillers personnels de l'ancien chef de l'Etat.
Une nouvelle étape pour aider le pays à tourner la page, après la dissolution du RCD décidée par voie de justice en mars dernier.
( Site RFI/ Radio France Internationale
http://www.rfi.fr/afrique/20110426-une-liste-personnalities-exclues-elections) 
Arrivée à Lampedusa d'un bateau d'immigrants tunisiens, 13 février 2011, photo publiée dans Le Nouvel observateur, 14 février 2011
A part çà... Difficile d'échapper au sujet qui occupe l'espace médiatique : les flux migratoires tunisiens.  Mais encore plus difficile d'en prendre la mesure... Qui sont ceux qui partent? De quelles régions viennent-ils? Le phénomène migratoire est-il seulement la résultante de difficultés économiques qui n'ont pu disparaître (le contraire serait étonnant) du fait de la révolution politique? Autrement dit, est-ce seulement la possibilité du départ qui l'autorise? S'agit-il seulement de soutiens au régime Ben Ali, comme le laissent entendre de nombreux articles? ... etc.
Un bateau de migrants tunisiens accoste à Lampedusa le 24 mars 2011. Alessandro Bianchi / Reuter. Image publiée dans Le Point, 31 mars 2011
A ces questions, peu de réponses, et des réponses qui adoptent exclusivement le point de vue occidental/européen. En témoigne le fait qu'une recherche récemment effectuée sur Google avec les mots clés suivants " Tunisie émigration récente" ait été l'objet d'une proposition de reformulation qui substituait au mot "émigration" (je me place du point de vue de celui qui part, et de ceux qui le voient partir) le mot "immigration" ( je me place du point de vue de celui qui regarde l'autre arriver). 
Des immigrés tunisiens à la frontière italo-française, photo AFP, DNA, 29 avril 2011
Des migrants tunisiens font la queue pour un repas chaud dans un square du XIXe arrondissement de Paris. Crédits photo : Michel Euler/AP
Un article publié par Le Figaro le 28 avril 2011 sous le titre "Les arrestations de migrants tunisiens se multiplient" donne le ton : 

«Ni l'Italie, ni la France n'ont vocation à accueillir les migrants tunisiens.» Le message du ministre de l'Intérieur Claude Guéant début avril à l'intention des 20.000 Tunisiens ayant quitté leur pays depuis le début de la révolution avait le mérite d'être clair. Depuis plusieurs jours, les autorités procèdent donc à de nombreuses arrestations de migrants en situation illégale.
À Paris, plusieurs dizaines d'immigrés, pour la plupart venus d'Italie, ont ainsi été interpellés mercredi soir. L'opération s'est déroulée vers 21h porte de la Villette alors que la Croix-Rouge procédait à une distribution de repas chaud. (...) À Marseille, une quinzaine de migrants qui s'était réfugiés dans un square près de la gare ont été interpellés mercredi soir et placés en garde à vue pour «infraction à la législation sur les étrangers». L'opération s'est encore une fois déroulée en présence d'associations qui tentaient de trouver des hébergements aux 100 à 200 migrants réunis dans le petit parc. (...) La veille, mardi, quelque 70 personnes, à majorité tunisiennes, avaient également été arrêtées et une soixantaine d'entre elles placées en garde à vue à Paris. D'après les autorités, l'opération a permis d'établir que toutes ces personnes ne sont «pas sédentarisées» puisqu'«aucun campement n'a pu être identifié». «La majorité d'entre eux ont ou vont faire l'objet d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière», a annoncé mercredi soir la préfecture de police, sans donner de chiffre précis ni de détails. Me Samia Maktouf, qui défend plusieurs migrants tunisiens, a dénoncé ces interpellations, qui «n'honorent pas la France». «Ils n'étaient pas en train de commettre un délit ni de troubler l'ordre public. Leur seule faute, c'est qu'on ait pu localiser l'endroit où ils dorment» après une petite manifestation mardi, pour demander à «être accueillis dans la dignité», a-t-elle expliqué. (...) 
 Si quelques migrants disposent d'un permis de séjour de six mois délivré par l'Italie, Claude Guéant, a indiqué pour sa part que ce n'était «pas à l'Etat» de pourvoir au séjour de ces Tunisiens, qui devaient «en vertu des accords internationaux et de la loi (...) disposer de ressources suffisantes pour assumer leurs frais de séjour».
( Le Figaro.fr, 28 avril 2011)  
L'article livre une information claire : sur les positions du gouvernement - exprimées ici par le ministre de l'Intérieur Claude Guéant - , sur le sort réservé aux immigrants qui ne pourront se prévaloir d'un titre de séjour en bonne et due forme, sur les efforts déployés par les associations pour assurer un accueil convenable aux migrants, sur les réserves que rencontre cette politique auprès de l'opposition... ( voir la totalité de l'article : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/04/28/01016-20110428ARTFIG00490-les-arrestations-de-migrants-tunisiens-se-multiplient.php )


Les commentaires de l'article laissés par certains lecteurs sont plus clairs encore sur la perception du phénomène migratoire par une frange de la population, qui lui est manifestement résolument hostile. Petite sélection parmi les 362 commentaires reçus par l'article ( dès le lendemain de sa publication)
X : Des arrestations ? Et alors, où est le problème? Nous n'avons pas, que je sache, vocation à accueillir toute la misère du monde, nous faisons déjà beaucoup et notre système de santé est en faillite notamment à cause des inactifs qui viennent pour les avantages sociaux et qui disent qu'en France, tout est gratuit ! Mais c'est nous qui payons et nous n'en sommes pas mieux vus. Quant à la délinquance, je n'en parle même pas.
X : Stop ! ! Il n'y a plus de travail en France ! 3 000 000 de chômeurs et autant de précaires ça suffit ! N'en rajoutons pas ! Quel peut être le devenir de ces gens ? Trainer dans les rues en attendant et espérant l'aide des associations caritatives et tomber dans la délinquance qui les guette à chaque carrefour ? La seule façon de leurs venir en aide c'est de leurs dire la vérité et de les renvoyer dans leur pays, les politiques doivent regarder la réalité en face, leur principal devoir est de préserver notre pays et de l'empêcher de sombrer dans le désordre social, ils sont responsables des générations à venir, qu'ils ne l'oublient pas !
X: Y'a bien un petit hôtel 4**** pour accueillir ces pauvres petits!ohhhh faut quand même pas pousser hin !On va pas les mettre dans une école quand même ....
X : Ces arrestations sont écran de fumée… ! Elles ne résolvent rien. Ce n’est pas en combattant les effets que nous réglerons ces problèmes. >>> Il faut abolir le « droit au sol » et les allocations associées… ! Et le problème sera presque résolu… ! >>>>>> Vous êtes nombreux à jouer au LOTO… ! Pourtant vous n’avez qu’une chance sur des dizaines de millions de gagner le gros lot… ! Tant que nous accueillerons des familles, à la limite même une seule… ; Des millions d’étrangers penseront « pourquoi pas nous et nos familles, ne serions-nous pas les heureux régularisés »… ! Ils ne sont pas plus bêtes que vous, ils tentent leurs chances… ! ! !
X : J'ai du mal à comprendre pourquoi des jeunes Tunisiens s'exhilent de leur pays. Le peuple Tunisien a jeté dehors le "clan Ben Ali" qui les a spolié pendant de longues années et à présent que la liberté semble retrouvée et qu'il faut se retrousser les manches pour remettre le pays sur les rails et relancer l'économie, ces hommes, au lieu de relever les défits que va devoir affronter la Tunisie, viennent en France pour les raisons que l'on devine, comme si la France était encore un Eldorado. Ces Tunisiens semblent manquer de sentiment national et ne font pas preuve de beaucoup de citoyenneté quand leur pays compte sur eux.
Patriotisme de repli, peur de l'autre, crispation liée aux difficultés économiques et sociales, et, plus simplement, un esprit pour le moins "franchouillard"...  se lisent au travers de ces lignes (fautes d'orthographe respectées...). D'autres commentaires font entendre des opinions différentes, sans que l'on puisse parler de débat. 
http://plus.lefigaro.fr/article/les-arrestations-de-migrants-tunisiens-se-multiplient-20110428-449569/commentaires?page=2

mercredi 27 avril 2011

L'Allemagne après le traité de Versailles, 1919


Le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 par les plénipotentiaires allemands, modifie profondément la carte de l'Allemagne, qui perd 1/8e de son territoire. 

L'Allemagne, considérée comme responsable de la guerre, n'a pu participer aux négociations. Le traité lui est donc imposé au sens propre, puisqu'elle ne peut en discuter les conditions. De plus, les conditions de l'armistice signé le 11 novembre 1918 à Rethondes ont créé un rapport de force particulièrement défavorable à l'Allemagne. En effet, par cet armistice, l'Allemagne - alors en pleine (r)évolution politique, la toute jeune République venant à peine de s'installer - doit fournir des livraisons considérables de matériel de guerre et de moyens de transport et libérer (sans réciprocité) les prisonniers de guerre alliés. Un délai de 15 jours lui a été donné pour évacuer tous les territoires envahis à l'ouest, ainsi que l'Alsace-Lorraine ; un délai de 30 jours, pour l'évacuation de la rive gauche du Rhin ainsi qu'une bande de 10 kms à l'est du Rhin. Par ces conditions, les Alliés se sont assurés que l'Allemagne ne pourrait reprendre le combat. Démunie, elle ne peut qu'accepter les conditions qui lui sont faites par le traité de Versailles qui met un terme définitif au conflit, 7 mois après l'armistice. 

La carte de la nouvelle Allemagne distingue plusieurs cas de figures. 
Des territoires ont été enlevés au Reich ( appellation peu heureuse ici, puisque l'empereur Guillaume II a dû abdiquer en novembre 1919, la République succédant à l'Empire) : Alsace-Lorraine restituée à la France (qui avait perdu ces territoires à l'issue du conflit de 1870/71), Prusse occidentale et Posnanie venant grossir le territoire dévolu à la Pologne reconstituée. La re-création d'une Pologne avec accès à la mer a des conséquences majeures sur le territoire allemand, qui se retrouve coupé en deux : la Prusse orientale est séparée du reste du territoire allemand. Les risques de tension sont tels que la ville de Dantzig ( Gdansk) est considérée comme "ville libre" : ni allemande, ni polonaise, mais placée sous tutelle de la SDN.  
D'autres territoires sont placés sous administration de la SDN, et doivent faire l'objet de plébiscites, ce qui est une façon de reporter la décision à une date ultérieure. Ainsi, la Sarre est placée sous administration de la SDN pour 15 ans (à compter de janvier 1920). LA consultation sera organisée au terme de ces 15 ans, et, à cette date, les habitants de la Sarre auront à se prononcer sur : le maintien de l'administration internationale (rester sous la coupe de la SDN), le rattachement à l'Allemagne, le rattachement à la France. En janvier 1935, lorsque le plébiscite a été organisé, plus de 90% des habitants se sont prononcés pour le rattachement à l'Allemagne.
Des territoires, situés à la frontière de la France et de la Belgique, sont l'objet d'une occupation étrangère, destinée tant à s'assurer du désarmement qu'à surveiller le bon versement des réparations. 
Enfin et surtout, une zone démilitarisée a été définie à la frontière occidentale de l'Allemagne, pour prévenir toute nouvelle tentative d'invasion. La rive gauche du Rhin est démilitarisée, ainsi qu'une bande d'une cinquantaine de km sur la rive droite. Dans ces territoires, il est formellement interdit à l'Allemagne de faire circuler des troupes, tout mouvement de troupes étant alors considéré comme une violation du traité, partant comme une entrée en guerre.

Résistance et bande dessinée

Le centre d'histoire de la Résistance et de la Déportation ( Lyon) propose (mars-septembre 2011) une exposition sur un sujet peu banal : l'image de la Résistance dans la bande dessinée
Le sujet est novateur : il s'agit de rendre compte de l'évolution de l'image du résistant - et de la Résistance - depuis près de 60 ans de création artistique. Pour rendre compte de cette évolution, l'exposition croise des planches originales ou des extraits d'albums et l'historiographie de la Résistance (c'est-à-dire la façon dont s'écrit l'histoire de la Résistance). Or, cette historiographie a énormément évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'exposition propose donc une approche chrono-thématique, qui permet de suivre l'évolution dans le temps (approche chronologique) de l'image du résistant ( le thème central). 

La vignette choisie pour l'affiche de l'exposition (photo ci-dessus) représente un maquisard surgissant de l'ombre. Elle est extraite de la série "Le capitaine invisible", illustrée par Robert Rigot en 1945 pour le périodique Message aux coeurs vaillants. Elle est exemplaire d'une production artistique largement dominée par des auteurs-acteurs de la seconde guerre mondiale (Robert Rigot, René Brantonne, Jacques Dumas alias Marijac...).


DUPUIS, La Résistance, Hachette, 1983

Cette production artistique véhicule une image archétypale de la Résistance (une résistance armée, celle des combattants de l'ombre) et du résistant : un jeune maquisard, fier et courageux. Dans les années qui suivent la fin de la guerre, l'histoire de la Résistance est, à l'identique, aux mains des témoins et acteurs, dont certains vont être de grands historiens de la Résistance. L'histoire de la Résistance s'intéresse alors essentiellement à son essor, à sa structuration, à ses composantes ( mouvements, réseaux), à ses acteurs majeurs. 
Depuis les années 1990, l'histoire de la Résistance est faite par des historiens qui n'ont pas connu la période des années noires. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils en proposent une image renouvelée, attentive à l'ensemble des acteurs du combat résistant (les femmes, les étrangers, les immigrés ...) et à l'ensemble des formes de lutte (la lutte armée, mais aussi la résistance civile - presse clandestine, sabotage industriel... - ou l'aide apportée aux individus pourchassés...).


La bande dessinée se fait l'écho de cette évolution. Plusieurs albums parus dans les années 1990 et 2000 proposent une vision renouvelée de la Résistance et de ses acteurs. 


En témoigne l'album signé Olivier Merle (texte) et Alexandre Tefenkgi (dessins) intitulé Tranquille courage. L'action se déroule en Normandie, au cours des combats qui suivent le débarquement. Un P47 Thunderbolt de l'US Air Force s'écrase non loin de la ferme d'Auguste Briant, paisible père de famille, qui va être amené à accueillir, camoufler, protéger l'aviateur. C'est donc une résistance d'aide qui est au coeur de la narration, qui s'intéresse aux relations qui se nouent entre les deux hommes. 

L



L'album de Derrien et Plumail, intitulé Résistances, dont le premier volume (L'appel) est sorti en 2010, témoigne lui aussi de la force de la mémoire de la Résistance comme de la vision élargie qui s'est imposée. 
"Débâcle humiliante et défaitisme écœurant ont caractérisé le mois de juin 1940 en France. C’est dans ce contexte troublé et indécis que s’inscrit la nouvelle série Résistances, qui devrait compter au total quatre tomes. Une bande dessinée qui ne cherche pas à présenter une vérité unique et indiscutable, mais plutôt à suivre le parcours de trois jeunes Parisiens, déboussolés par l’entrée des troupes de la Wehrmacht dans la capitale. Comme tant d’autres de leurs compatriotes, Sonia, André et Louis prennent le chemin de l’exode. Une fuite désespérée qui les mène jusqu’en Bretagne où André, qui refuse la défaite, décide de s’embarquer pour l’Angleterre. Par conviction ou par amour, ces trois compagnons d’infortune vont par la suite, et chacun à sa manière, entrer en résistance contre l’occupant."
(philippe Peter, France soir, 23 juillet 2010)

Sources : 

http://www.culture.lyon.fr/culture/sections/fr/musees__expositions/actualites/traits_resistants_au_chrd/
Olivier Merle, Alexandre Tefenkgi, Tranquille courage, tomes 1 et 2, éditions Bamboo, 2009 et 2010. 
www.bedetheque.com
http://philippepeter.wordpress.com/category/france-soirculture-divers/

mardi 26 avril 2011

La réunification allemande, 20 ans après : le temps des hommages

En 2010, l'Allemagne a fêté le 20e anniversaire de sa réunification, les "20 ans d'une révolution paisible et de l'unité allemande"...
Deux dates, au moins, ponctuent cette réunification : 
Celle du 31 août 1990, date à laquelle le traité d'unification de la RFA (République fédérale allemande, à l'ouest) et de la RDA (République démocratique allemande, à l'est) est signé à Berlin.
Celle du 3 octobre 1990, date à laquelle la RDA cesse d'exister, ses territoires étant totalement absorbés par la RFA
C'est cette deuxième date qui a été retenue pour célébrer le 20 ème anniversaire de la réunification. 
En septembre 2010, prélude aux cérémonies d'anniversaire, Helmut Schmidt - ex-chancelier allemand de la RFA entre 1974 et 1982 - a inauguré dans le centre de Berlin un monument rendant hommage à trois acteurs de cette réunification : George Bush père, Helmut Kohl, et Mikhaïl Gorbatchev. Le monument, inauguré en face d'une maison  qui longe le tracé de l'ancien mur de Berlin, représente les sculptures en bronze des trois leaders, hautes de 1,75 mètre et pesant 1,3 tonne chacune.
Helmut Schmidt, devant deux des trois statues formant le monument (celles de Helmut Kohl à gauche, de Mikhaïl Gorbatchev à droite)

A cette occasion, l'ex-chancelier a déclaré : 
"Tous trois, les présidents de l'Union Soviétique et des Etats-Unis ainsi que le chancelier allemand, vous avez mérité la reconnaissance de notre peuple. Car sans le courage de Gorbatchev, la prudence de Bush et la fermeté de Kohl, la réunification n'aurait jamais pu avoir lieu". 
George Bush, élu président en 1988, est salué pour sa prudence. De fait, sa politique extérieure s'inscrit dans le prolongement de celle menée par Reagan (dont il a été le vice-président de 1980 à 1988), et se traduit par des liens forts noués avec le nouveau chef de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, et une politique de soutien au processus de réunification allemande. 






Helmut Kohl, chancelier allemand à partir de 1982 ( et jusqu'en 1998, appartient à la famille politique de la CDU (chrétiens démocrates allemands). Il est l'artisan majeur de la réunification, dont la "fermeté" est ici soulignée. On peut dire en effet qu'Helmut Kohl, favorable à la réunification - dont il évoque déjà la possibilité lors d'entretiens avec le président français de l'époque, François Mitterrand - a réagi aux événements de la RDA avec une extrême rapidité. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombe ; dès le 28 novembre 1989, Helmut Kohl, sans avoir consulté la classe politique ouest-allemande ni ses alliés, propose un plan en 10 points pour la restauration de l'unité allemande. Il va s'employer ensuite à lever les principaux obstacles à la réunification : peur d'une grande Allemagne, question des frontières avec la Pologne, question des relations entre l'Allemagne réunifiée et l'Europe... Toutes les négociations aboutissent en mai 1990 à l'ouverture, à Bonn, de la conférence 2+4, qui associe la RFA et la RDA (2), ainsi que les Etats-Unis, l'URSS, la France et la Grande-Bretagne (4). Les accords 2+4 seront signés en septembre 1990.
Mikhaïl Gorbatchev et Erich Honecker en RDA en octobre 1989

Le monument salue enfin le rôle majeur joué par Mikhaïl Gorbatchev dans l'évolution vers la réunification allemande. D'abord parce qu'il est celui qui, par la politique de glasnost et de perestroïka, a entamé une politique de libéralisation en URSS, et, par voie de conséquence, dans les démocraties populaires. En octobre 1989, il est en visite en RDA et encourage le dirigeant est-allemand Erich Honecker à s'engager dans la voie des réformes. A Berlin-est, il encourage les manifestants qui demandent ces réformes. Erich Honecker fait la sourde oreille, et, un mois après, le mur de Berlin tombe.
Passée la révolution qui emporte les démocraties populaires en 1989, Mikhaïl Gorbatchev appuie le processus de réunification allemande. D'abord, en faisant savoir, dès février 1990, que l'URSS ne s'opposera pas à une réunification dont la RFA et la RDA doivent librement décider les modalités. Ensuite, en faisant savoir, en juillet 1990, - alors que le processus de réunification est largement entamé -, que la future Allemagne sera libre de déterminer à quelle alliance militaire elle souhaite appartenir, ce qui signifie en clair que l'URSS admet la sortie de la RDA du Pacte de Varsovie.


Sources : 
http://fr.rian.ru/world/20100929/187530671.html ( site de l'agence ria novosti, agence russe d'information internationale, qui a relayé l'information sur le monument à la mémoire de Gorbatchev. La source explique peut-être que la statue de Bush père n'apparaisse pas sur la photographie du monument...)
http://www.france-allemagne.fr/Helmut-Schmidt,1451.html
Institut François Mitterrand, La Lettre, n°13, Chronologie de la réunification allemande. 

Manuel de Terminales, Magnard, "Gorbatchev et la fin de la Guerre froide", p. 162 ( source de la photographie représentant Gorbatchev et Honecker). 

lundi 11 avril 2011

L'interdiction du port du niqab, une loi de circonstance?


Dessin de Tiounine, paru dans Kommersant, repris dans Courrier International, 11/04/2011

Dans la rue, les jardins publics, mais également dans les gares, les commerces, les centres de Sécurité sociale ou les mairies, le port du niqab ou de la burqa n'est plus autorisé à partir de ce 11 avril, en vertu de l'entrée en vigueur de la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public. Les syndicats de policiers estiment que cette loi sera "extrêmement difficile à appliquer". Les contrevenant(e)s sont passibles d'une amende et/ou d'un stage de citoyenneté.
(Courrier International, 11/04/2011)
Quoi que l'on pense de cette loi et de son objectif de préserver un espace public laïc et sécurisé, force est de constater qu'elle vise (pour ce qui concerne le port du niqab) un nombre d'individus restreint : 500 femmes, un millier peut-être sur le territoire français. Comme le souligne l'article de Courrier International, elle va par ailleurs poser des problèmes d'application. 


Surtout, cette loi s'inscrit dans un contexte qui ne peut être éludé. Celui d'une présence accentuée du Front National dans le débat public, lequel Front National a fait de la stigmatisation des femmes voilées - et, plus généralement, des musulmans de France - l'un de ses thèmes de campagne. Il faut rappeler que la femme voilée avait été au coeur d'une campagne menée par le FN en 2010 à l'occasion des élections régionales. 

L'affiche "non à l'islamisme" du Front National était largement inspirée de la campagne lancée par l'UDC  (Union Démocratique du Centre ), le parti d'extrême droite suisse qui souhaitait faire voter l'interdiction des minarets dans le pays. La proximité était telle que le parti suisse a menacé d'attaquer le Front National pour plagiat...

Affiche de l'UDC pour l'interdiction des minarets en Suisse

En France, c'est le MRAP ( Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié contre les Peuples ) qui a attaqué le Front National pour incitation à la haine raciale. 
Jean Marie Le Pen, à la tête du front National au moment des faits (la campagne pour les régionales 2010 ) a été relaxé par le tribunal correctionnel de Nanterre début avril 2011. 





Sources : 
France 24, L'affiche "non à l'islamisme" vue d'Algérie, 9/03/2010
http://observers.france24.com/fr/content/20100309-affiche-non-islamisme-fn-vue-algerie-reactions-Front-national-le-pen?page=2
Libération, Affiches "non à l'islamisme", Le Pen relaxé, 5/04/2011
Courrier International, 11/04/2011

dimanche 10 avril 2011

Un monde chinois?

Courrier International, n° 1014, 8 avril 2010
Un monde chinois : c'est la question posée par le numéro spécial de Courrier International en avril 2010. Question qui sonne comme une affirmation. 
Pourquoi?
Parce que la Chine est devenue en 2009 le premier exportateur mondial de marchandises, ce qui témoigne de son émergence en tant que puissance industrielle. 

Le graphique proposé ci-dessus témoigne de la conquête par la Chine des marchés mondiaux. Entre 1992 et 2005 - dates extrêmes des données -, la structure du commerce extérieur chinois a évolué. Les produits de faible valeur ajoutée - habillement, textiles, autres produits manufacturés ( jouets par exemple) - pesaient lourd dans les exportations chinoises au début des années 1990 : la Chine était alors une puissance émergente. Sur le littoral s'étaient créées des zones franches ( dans le cadre des ZES, zones économiques spéciales), des villes ouvertes, dans lesquelles s'installaient des entreprises désireuses de profiter des avantages fiscaux et de la main d'oeuvre à faible coût (dynamique de délocalisation). Entre 1992 et 2005, les produits manufacturés qui témoignent de l'acquisition d'un savoir-faire, de la maîtrise de technologies de plus en plus complexes, gagnent du terrain dans les exportations : machines industrielles, machines de bureau et matériel informatique, télécommunications... sont désormais les produits phares grâce auxquels la Chine conquiert les marchés mondiaux. 
Conteneurs sur le port de Shanga
Pays atelier du monde, la Chine connaît une croissance record de son excédent commercial (différence positive entre les exportations et les importations) depuis le début des années 2000. En 2001, cet excédent était de 22 milliards de $, en 2007, il avait décuplé ( 262 milliards de $). Depuis, l'excédent connaît une croissance moins soutenue et oscille, selon les années, entre 180 et 190 milliards de $. Cet excédent est source de tensions avec les Etats-Unis, et dans une moindre mesure, avec l'Union européenne, qui estiment que les performances chinoises sont liées à une sous-évaluation du yuan ( la monnaie chinoise), dont ils demandent la ré-évaluation. 

Cet excédent autorise la montée en puissance financière de la Chine, qui détient désormais les premières réserves de change du monde (2 500 milliards de $ en 2010). Cette puissance financière permet à la Chine de jouer un rôle majeur dans l'investissement. 

Les deux graphes proposés témoignent de cette dynamique complexe. La Chine, pays atelier, eldorado pour les entreprises à la recherche de main d'oeuvre à faible coût et docile, est devenue dans les années 1990 l'un des premiers destinataires des investissements directs à l'étranger (IDE) émis à l'échelle mondiale ( IDE entrants). La puissance industrielle et commerciale acquise par la Chine lui permet désormais de devenir elle-même une puissance financière, ce que traduit l'essor des IDE sortants, de plus en plus importants (+ de 10 milliards de $ depuis 2005).

lundi 4 avril 2011

Le Liban (1) : la "petite suisse" du Proche Orient

Vignes au Liban


Pendant les vingt années qui suivent la Deuxième Guerre mondiale, le Liban fait figure de havre de paix dans un monde instable et impressionne par sa prospérité : il est alors la "petite Suisse" du Proche-Orient...
le Liban au XII è siècle


Le Liban est un Etat peu banal. Il est d'abord singulier par sa taille - 10 000 km2, soit l'équivalent du département de la Gironde - et par son relief montagneux, qui fait de lui un château d'eau dans une région où l'eau est rare. 
C'est un pays peu peuplé - autour de 4 millions d'habitants -, mais, compte tenu de la superficie du pays, c'est l'un des plus densément peuplés de la région. 
C'est par ailleurs une terre qui a été occupée depuis l'Antiquité et a toujours été une terre de brassage des populations et des civilisations. 
L'Occident y a laissé depuis le Moyen âge une marque durable - la région est conquise par les Croisés, qui y installent les Etats latins d'Orient et revivifient la tradition chrétienne. 





Ce brassage des populations, des cultures et des religions donne au Liban sa caractéristique majeure : c'est un pays multiconfessionnel. Cela signifie que coexistent plusieurs religions au Liban, ce qui est déjà un facteur d'originalité dans le monde arabe. Dans les années d'après-guerre, les chrétiens forment  environ la moitié de la population. Ils sont divisés en plusieurs composantes, dont certaines se rangent sous l'autorité du pape, comme les maronites (= la plus importante communauté chrétienne du Liban), tandis que d'autres lui dénient toute autorité (Grecs orthodoxes par exemple). L'autre moitié de la population comprend des musulmans qui, eux aussi, sont divisés : druzes ( venus d'Egypte, progressistes), chiites, sunnites... Enfin, le Liban compte une petite minorité juive. Au Liban, cette diversité confessionnelle trouve son prolongement dans les institutions. On parle de confessionalisme.  D'après le pacte national défini lors de l'accès à l'indépendance (22/11/1943), les principales confessions sont reconnues par le gouvernement ( 12 sur les 17 présentes au Liban le sont), et doivent y être représentées. Dans ce système, une place majeure est réservée aux chrétiens maronites puisque la fonction de président de la République leur est réservée. Le chef du gouvernement est un musulman sunnite, le président de la Chambre des députés un musulman chiite... 

Valse avec Bachir : un film sur la mémoire


Valse avec Bachir est un film réalisé en 2008 par un réalisateur israélien au parcours sinueux, Ari Folman. C'est un film attachant dont le personnage principal - mais pas le héros - est le réalisateur lui-même, parti à la recherche de sa mémoire perdue. 
Lors de la première guerre du Liban ( 1975-1989), Ari Folman est un jeune homme ( il est né en 1962), il est appelé à faire son service militaire ( 3 ans en Israël) et à servir au Liban. 
" J'ai été enrôlé dans l'armée avant mes 17 ans. En septembre 1982, j'arrivais à Beyrouth Ouest avec l'armée israélienne, après l'assassinat du président Bachir Gemayel, le jour de sa nomination. Je quittais Beyrouth trois jours plus tard, j'étais une tout autre personne... Cette histoire est mon histoire, que j'ai décidé de raconter après plus de vingt ans" (Ari Folman, interview). 
à gauche : Ari Folman au Liban (tel que dessiné dans le film). A droite, le réalisateur Ari Folman lors de la sortie de son film en 2008. 
Afficher l'image en taille réelle
Ari Folman, personnage du film
L'histoire que le réalisateur raconte dans ce film est celle d'un trou noir, celui de sa mémoire. Le sujet du film, c'est l'amnésie. Le film raconte - comme un road movie intérieur - sa quête : qu'est ce que j'ai fait à Beyrouth? A quoi ai-je participé? De ce point de vue, le film d'Ari Folman pose des questions qui hantent tous les soldats de toutes les guerres du 20e siècle exposés à des événements traumatiques : ceux du Vietnam, d'Afghanistan, d'Irak... Dans le cas précis de Valse avec Bachir, l'événement effacé de la mémoire, qui forme le point de fuite du film ( et de la reconquête de la mémoire) est le massacre de Sabra et Chatila, perpétré entre le 16 et le 18 septembre 1982 par les milices chrétiennes libanaises, auquel les troupes israéliennes ont assisté sans porter assistance aux victimes - complicité passive -, qu'elles ont laissé faire, voire qu'elles ont "couvert", en ayant autorisé l'entrée des milices chrétiennes dans les camps de Sabra et Chatila et en ayant facilité le massacre des civils palestiniens par l'emploi de fusées éclairantes. 
Le sujet du film, c'est donc l'amnésie, et, au delà, la question de la construction de la mémoire, que le réalisateur compare à un disque dur. 20 ans après, le réalisateur constate qu'il n'a pas "imprimé" ce qu'il a fait au Liban, que son "disque dur est vide". Celui de son ami Boaz par contre - scène du début du film ( extrait)- est bloqué sur un souvenir qui s'impose comme un cauchemar : celui de chiens qu'il lui fallait tuer ( 26 chiens, "je me souviens de chacun d'eux" dit-il) pour qu'ils ne donnent pas l'alerte lors de l'entrée des troupes dans les camps, et qui reviennent le poursuivre 20 ans après... 

samedi 2 avril 2011

La Grande Guerre en BD

Putain de guerre - Jacques Tardi, Jean-Pierre Verney - 9782203017399 - 9782203017399
En 2008 a été commémoré le 90e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale, que l'on a coutume d'appeler la Grande Guerre. Comme l'a montré le nombre et la diversité des cérémonies, événements, colloques, manifestations locales ou nationales, organisés à l'occasion de cet anniversaire, la mémoire de la Grande Guerre occupe une place à part dans la mémoire collective des Français. 






Le dessinateur Jacques Tardi a, à sa manière, participé à cette commémoration. Il a en effet fait paraître en 2008 une bande dessinée entièrement consacrée au conflit, du point de vue de ceux qui y ont participé, s'y sont affrontés et entretués. Cette évocation de la Grande Guerre - la Putain de Guerre - est une oeuvre de fiction. Comme les autres bandes dessinés de Tardi, elle est néanmoins animée d'un souci de véracité et de réalisme. L'historien Jean-Pierre Verney assure, aux côtés de Tardi, un travail de documentation qui garantit une grande rigueur historique. 




Né en 1946, Jacques Tardi passe ses premières années dans l'Allemagne de l'après-guerre, son père étant militaire de carrière. Plus tard, les atrocités de la guerre de 14-18, celle de son grand-père, d'origine corse, hanteront ses rêves d'enfant avant de devenir par la suite un des thèmes majeurs qui inspireront son oeuvre. Etudiant à l'école des beaux-arts de Lyon, puis aux Arts décoratifs de Paris, Jacques Tardi fait ses débuts, en 1969, dans l'hebdomadaire Pilote. En 1972 paraît sa première longue histoire, Rumeurs sur le Rouergue (scénario Christin, éditée chez Futuropolis en 1976). C'est en 1976 que Jacques Tardi fait son entrée chez Casterman et entame le cycle des "Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec", dont le succès ne se fait pas attendre. Le neuvième album de cette série populaire, intitulé Le mystère des profondeurs, paraît le 14 novembre 98 dans la série "Adèle Blanc-Sec", chez Casterman. Parrallèlement, Tardi adapte le Paris de Léo Malet, celui des aventures de Nestor Burma, et réalise d'autres adaptations qui sont autant de succès (Le der des ders de Daeninckx, Le cri du peuple de Vautrin, etc.)
Présentation de l'auteur proposée sur le site de son éditeur actuel, Casterman. 

Pour en savoir plus : 
Vincent Marie et l’Historial de la Grande Guerre (dir.), La Grande Guerre dans la bande dessinée (de 1914 à aujourd’hui), Historial de la Grande Guerre, Péronne, 2009, 112 p.
Ouvrage signalé et commenté dans Café-géo : http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1960