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dimanche 1 mai 2011

Quand l'actualité répond au cinéma... Lord of War, fin de partie ?


Dans le film Lord of War, Yuri Orlov (Nicolas Cage) -  le trafiquant d'armes le plus talentueux dans son domaine ... le "lord of War" - est finalement arrêté par Jack Valentine, l'agent d'Interpol lancé à sa poursuite. Mais cette arrestation n'est qu'un coup d'arrêt, très provisoire, à l'activité meurtrière du trafiquant. Comme il l'explique à Jack Valentine, le trafiquant va être libéré sur ordre des autorités qui ont intérêt à ce que des "intermédiaires" de son espèce fassent le travail. Etats-Unis, Chine, France, Grande-Bretagne sont en effet de très grands vendeurs d'armes...
Sorti en 2005, le film réalisé par Andrew Niccol est profondément pessimiste : le marchand de mort, utile aux grandes puissances, a certes perdu sa femme et son fils (qui font le choix de le quitter), son frère ( qui fait le choix de mourir plutôt que de permettre un massacre)... mais il peut continuer son trafic. La traque dont il a été l'objet n'aura servi à rien, sur le fonds. 
Le film s'est inspiré de l'itinéraire d'un trafiquant d'armes bien connu, en liberté - et en activité...-  au moment où le film a été tourné : Viktor Bout. En 2010, son extradition aux Etats-Unis - suite à son arrestation en Thaïlande- semble faire écho au film : le modèle va-t-il connaître le même sort que la copie? 
Viktor Bout, surnommé le «marchand de mort», arrive à l’aéroport de Bangkok sous escorte de la police thaïlandaise. AP, photo La Tribune de Genève, 19 janvier 2011

"Epilogue. Après plus de deux ans de procédures judiciaires et diplomatiques, Viktor Bout, surnommé le «marchand de mort», a quitté les geôles thaïlandaises hier pour être jugé aux Etats-Unis. Si le parcours de celui que le Pentagone considère comme «l’un des trafiquants d’armes les plus prolifiques du monde» a inspiré le personnage de Nicolas Cage dans Lord of War, il n’en risque pas moins la perpétuité. Arrêté à Bangkok en 2008, cet ancien pilote de l’Armée rouge de 43 ans est accusé d’avoir livré des armes aux belligérants du monde entier.
Né – officiellement – au Tadjikistan en 1967, l’homme qui possède autant de passeports que de noms d’emprunt étudie à l’Institut militaire des langues étrangères à Moscou, avant d’intégrer l’armée de l’air puis le KGB. En 1989, la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide lui offrent de nouvelles opportunités. L’ex- officier polyglotte – il parle sept langues, dont le farsi et le zoulou, et a profité de son séjour à l’ombre pour apprendre le thaï et le sanskrit – se lance en 1991 dans les affaires opaques. 
 Le matériel de guerre soviétique prend la poussière dans les bases militaires et se négocie à bas prix. Viktor Bout décide alors de constituer sa propre flotte d’avions-cargo. A 25 ans, il achète trois Antonov pour une bouchée de pain. D’autres suivront. En fin de «carrière», il disposera d’un parc d’une soixantaine d’appareils.
Destination privilégiée? L’Afrique, royaume des conflits ethniques et terrain de jeu lucratif pour le marchand de mort. Grâce à ses relations et à son sens de l’organisation, Bout offre un service unique. Il livre tout, n’importe où, dans un temps record et sans intermédiaire. Entre deux largages d’AK-47, il fait escale à Johannesburg pour acheter des glaïeuls, revendu à prix d’or aux Emirats. Ce maître du commerce illicite se bâtit rapidement un empire. Son système est au point et sans faille. Il se joue des embargos, contourne les lois, jongle avec les immatriculations, modifie les plans de vol, multiplie les sociétés écrans et n’hésite jamais à fournir les factions rivales d’un même conflit.
Surnommé le «Bill Gates des trafics» par un ancien ministre britannique, son ombre plane sur toutes les guerres civiles africaines. Et bien au-delà. Il dépanne aussi bien le commandant Massoud que les talibans. Il aurait même acheminé de l’équipement de déminage pour une ONG en Angola, à qui il avait livré des mines antipersonnel un an auparavant. Dans sa grandeur d’âme, cet amoureux de Tolstoï et de Gogol a également mis sa redoutable logistique à disposition de la France en 1994 au Rwanda et des Etats-Unis dix ans plus tard en Irak…
Ce double jeu lui a sans doute permis de passer plus d’une fois entre les mailles du filet. Recherché par Interpol, Viktor Bout s’est finalement fait avoir comme un bleu par des membres de l’agence antidrogue des Etats-Unis se faisant passer pour d’authentiques guérilleros colombiens. Jusqu’ici muet comme une tombe, le Russe extradé pourrait lâcher le morceau. Ce qui contrarie le Kremlin. S’agissant du trafic d’armes, Bout est «l’homme qui en savait trop».
La Tribune de Genève,  19 janvier 2011
Yannick Van der Schueren, 
Source : La Tribune de Genève, article de Yannick van der Schueren, Fin de partie pour le marchand de mort russe Viktor Bout, 29 janvier 2011

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