Au mois de juillet 2011, dans un charmant petit village bavarois, sur décision paroissiale longuement mûrie, la dépouille de Rudolph Hess a été exhumée puis incinérée. Ses cendres ont été dispersées dans la mer. Il ne reste donc plus rien de Rudolph Hess, plus de pierre tombale qui puisse attirer les fidèles nazis - vieillards nostalgiques de la belle époque, jeunes nazillons convaincus des mérites d'un régime qu'ils n'ont pas connu...
- Qui était Rudolph Hess?
Who was Rudolph Hess? Born into a prosperous family of traders in 1894 Rudolf Hess first met Hitler in 1920, and became a devoted Nazi rapidly rising up the party hierarchy. But his career was cut short when he made a dramatic solo flight to the UK on the eve of Germany's invasion of the Soviet Union in 1941.Whether Hitler sanctioned the flight or it was on Hess's own initiative remains disputed but it appears Hess wanted to try and negotiate some form of peace settlement with Britain. To his bitter surprise his offer was rejected and he spent the rest of the war as a POW.But his time in the UK probably saved him from the gallows as he escaped charges of war crimes and crimes against humanity at the Nuremberg trials in 1946. Found guilty of crimes against peace he was sentenced to life in prison.On August 17 1987 Hess was found dead in his cell in Spandau prison. A coroner's report concluded he had committed suicide by strangulation, although his lawyer always maintained he had been murdered by the British, fearful that, if released, Hess might divulge secrets about his wartime flight.end
http://www.telegraph.co.uk/news/8652573/Who-was-Rudolf-Hess.html
De ce qui précède, vous aurez compris que Rudolph Hess était une figure entourée de mystère. L'un des plus anciens partisans d'Hitler, ayant participé à l'événement fondateur qu'a été le putch de la brasserie de 1923, il a été enfermé avec lui à la prison de Landsberg et lui a servi de secrétaire pour la rédaction de Mein Kampf ; mais il est aussi celui qui a vainement tenté la négociation avec la Grande-Bretagne dès 1941; il est ainsi en 1945 un criminel de guerre (prisonnier depuis 1941 des Alliés) contre lequel n'ont pu être retenues les charges les plus graves lors du procès de Nuremberg ( crime de guerre et surtout crime contre l'humanité), et qui a donc été condamné à la prison à perpétuité; mais qui, en 1987, âgé de 93 ans, aurait fait, dans la prison de Spandau (Berlin-ouest) le choix du suicide...
Hitler et son fidèle Rudolph Hess |
En 1987, lorsqu'il se suicide, le prisonnier Rudolph Hess est le dernier prisonnier nazi encore détenu à la prison de Spandau. Les six autres condamnés à Nuremberg à une peine de prison (Von Neurath, Raeder, Dönitz, Funk, Von Schirach, et Speer) ont été libérés dans les années cinquante et soixante. Sa longue incarcération - il était condamné à perpétuité - , sa longévité, son suicide (autour duquel plane la rumeur d'un assassinat commandité par la CIA), en font un symbole. De plus, Hess occupait une position élevée dans la hiérarchie nazie : ami intime d'Hitler, il avait été désigné comme son représentant en avril 1933 et promu ministre sans portefeuille du Reich en décembre de la même année. Dans l'ordre de succession du Führer, il occupait la seconde place derrière Göring.
- Effacer les traces des criminels nazis
la prison de Spandau en 1951 |
Près de 40 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, après le décès de Hess, les autorités alliées en charge de l'administration de Berlin ont jugé préférable de ne pas permettre que la prison de Spandau devienne un lieu de recueillement pour les nostalgiques du Troisième Reich. La prison a donc été rasée, et, à sa place, a été construit un bâtiment commercial. Les matériaux qui avaient servi à la construction de la prison ne furent pas réutilisés mais dispersés dans la mer du Nord.
Effacer les lieux est plus facile qu'effacer les hommes. En 1987, La volonté exprimée par Rudolph Hess d'être enterré dans le cimetière protestant de Wunsiedel ( Bavière), où ses parents avaient possédé une résidence, avait été respectée. Depuis, sa tombe était devenue le plus important lieu de pèlerinage néo-nazi allemand. Chaque année, des militants nostalgiques se retrouvaient à la date de son décès ( 17 août ) autour de la tombe porteuse d'une inscription propre à enflammer les esprits : "Ich habe gemagt" (J'ai osé). C'est à ce culte, que de nombreux règlements municipaux n'étaient pas parvenus à enrayer ( 5 000 personnes présentes encore en 2005), que l'exhumation et l'incinération de la dépouille de Hess mettent fin. Précisons que la mesure a reçu l'approbation des héritiers de Rudolph Hess, qui, après avoir demandé le renouvellement de la concession pour 20 ans ( elle arrivait à échéance en octobre 2011), se sont rangés à l'avis négatif des autorités religieuses locales.
- Nostalgie et enjeu de mémoire
L'exhumation de la dépouille de Rudolph Hess a été effectuée en catimini et peu de journaux ont relayé l'information (presse régionale bavaroise, nationale allemande, Les dernières nouvelles d'Alsace...). Une exhumation "à la lueur d'un petit projecteur (...), à l'abri du public, et sans que les médias en soient informés" (Dernières nouvelles d'Alsace, 22/07/2011). Un tel silence s'explique par la volonté de ne pas favoriser la résurgence d'une mémoire clandestine, celle du nazisme. En Allemagne, le salut hitlérien est interdit. Et si les historiens allemands font la lumière sur le passé nazi, considérant le point de vue des victimes, la nostalgie d'un "bon vieux temps" subsiste. En Allemagne, mais aussi en France... comme en témoigne le fait que l'un des rares sites à avoir relayé l'information relative à l'exhumation de Rudolph Hess soit le blog d'une formation d'extrême-droite : la Nouvelle Droite Populaire/Alsace.
Le traitement de l'information par ce site est extrêmement révélateur des enjeux de mémoire qui s'y attachent. En premier lieu, il est l'un des rares ( je n'ai pas poussé la recherche au-delà des 10 premières pages de réponse affichées sur Google ) à proposer la photo de la tombe de Hess - telle qu'elle existait avant l'exhumation. En second lieu, cette exhumation est considérée comme " une profanation" ( l'article précédent proposé par ce blog traite de profanations de cimetières chrétiens dans une tentative d'amalgame).
Tout est dit. D'abord, l'exhumation est présentée comme une opération violente (commando, les forces sont entrées, détruire, brûler, diffuser...), irrespectueuse des individus - silence sur l'accord familial à cette mesure -, qui ont tous droit au repos... Ensuite, la réhabilitation de l'individu sur fond de demi-vérité : Hess a été paradoxalement condamné pour crimes contre la paix. Ce qui est vrai, si l'on enlève le terme paradoxalement. Du point de vue des auteurs de ce blog, c'est mettre l'accent sur ses tentatives de négociations, lesquelles auraient été passées par pertes et profit au procès de Nuremberg. C'est donc en somme un artisan de la paix qui aurait été condamné ! C'est là une lecture tronquée des chefs d'accusation qui est proposée. En effet, les chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité n'ont pu être retenus contre Rudolph Hess puisque dès 1941, il est prisonnier aux mains des Alliés. Etre condamné pour crimes contre la paix recouvre "la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent". Membre du conseil de défense du Reich, bras droit d'Hitler, Hess a de toute évidence participé à la préparation de la Seconde Guerre mondiale.
De la réhabilitation de Rudolph Hess au mépris pour le procès de Nuremberg, il n'y a qu'un pas, que l'article s'empresse de franchir : Nuremberg a été une "mascarade destinée à satisfaire les humeurs vengeresses des vainqueurs". Exit l'esprit éventuel de justice qui aurait animé les artisans de ce procès d'un genre nouveau ! Exit surtout l'idée d'une responsabilité de l'Allemagne et surtout du régime nazi dans les crimes perpétrés.
Dernier temps : la réécriture de l'histoire, légitime puisque l'histoire officielle " est écrite par les vainqueurs". Pour autant, l'article ne développe pas. Pas de révisionnisme affiché, une prise de risque nulle donc, du fait des risques encourus mais aussi pour laisser le lecteur sous l'emprise de formules fortes - et non argumentées...
L'énumération finale mérite que l'on s'y arrête. D'une part, parce qu'elle met sur un pied d'égalité des héros officiels de la mémoire nationale (Jeanne d'Arc) et des collaborateurs condamnés comme tels dans le cadre de l'épuration (Robert Brasillach). Surtout parce qu'elle procède à un renversement des rôles saisissant : ce sont les autres ("ils"?) - c'est à dire ceux qui ne sont pas nostalgiques du passé nazi - qui sont les auteurs des crimes ("souiller, pendre, brûler"...).
Reste une mémoire nazie condamnée à la clandestinité - "éradiquer nos mémoires et notre histoire" - mais qui tend à afficher sa vigueur.
Outre la photographie de la tombe de Rudolph Hess, le propos est illustré par une vidéo, postée sur youtube par un mystérieux HerrRadieu ( dont la plupart des vidéos postées, aux titres évocateurs "Germania", Souvenirs effacés", "LVF"...) ne sont pas disponibles en France, et intitulée : "Rudolph Hess, dernier adieu". Un hymne au grand homme est proposé, sur fond de photographies bon enfant ( Hess souriant, avec des enfants...) et de musique sirupeuse. A la date d'aujourd'hui, 1370 internautes " aiment" dont un qui affirme : "ils peuvent détruire un corps, une sépulture... Mais l'idéal qui l'animait reste bien vivant! Souvenons nous de lui!"
http://www.youtube.com/watch?v=_YCQ3LAloE0&feature=player_embedded
Le traitement de l'information par ce site est extrêmement révélateur des enjeux de mémoire qui s'y attachent. En premier lieu, il est l'un des rares ( je n'ai pas poussé la recherche au-delà des 10 premières pages de réponse affichées sur Google ) à proposer la photo de la tombe de Hess - telle qu'elle existait avant l'exhumation. En second lieu, cette exhumation est considérée comme " une profanation" ( l'article précédent proposé par ce blog traite de profanations de cimetières chrétiens dans une tentative d'amalgame).
(...)
A 04h00 du matin, le 20 juillet, dans un style "commando" similaire à celui des forces américaines contre Ben Laden, les forces de l'ordre sont entrées dans le cimetière de Wunsiedel en Allemagne.
Leur but : détruire la tombe de Rudolf Hess, exhumer ces restes, les brûlés (sic) et diffuser ces cendres en mer pour que celui-ci disparaisse à jamais.
C'est pour mettre fin aux commémorations annuelles de sa disparition suspecte, le 17 aout 1987, que la paroisse protestante de Wunsiedel a décidé de ne pas renouveler la concession familiale où reposait Rudolf Hess. Les autorités ont enlevé la tombe de celui-ci afin d’effacer toutes les traces qui pourraient donner lieu à quelconques pèlerinages. Souvenez-vous que, juste après la mort de Rudolf Hess, la prison de Spandau, près de Berlin, où il avait passé 46 années de captivité, avait été détruite pour les mêmes raisons…
Rudolf Hess avait rejoint l’Angleterre en avion, en 1941, afin de proposer une cessation des hostilités entre les puissances de l’Axe et les alliés. Ceci était son seul « crime ». Il n'a pas été condamné à Nuremberg pour des "crimes contre l'humanité", comme la plupart des autres accusés, mais paradoxalement condamné à la prison à vie pour des "crimes contre la paix" ! Ce qui nous montre que le tribunal de Nuremberg n'était qu'une vaste mascarade juste destinée à satisfaire les humeurs vengeresses des vainqueurs.
L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs. N'oublions pas que la dépouille de l'un des plus grands hommes que l’Angleterre ait connue, Oliver Cromwell, fut, à l'époque, exhumée de sa propre tombe et pendue à Tyburn.
La profanation de la tombe de Rudolf Hess n'est ni le premier, ni le dernier, de ces actes mesquins ayant pour seul but d’éradiquer nos mémoires et notre histoire.
Mais qu’il s’agisse de Jeanne d'Arc, de William Wallace, de Robert Brasillach ou des autres martyrs de notre cause, ils peuvent les souiller, les pendre, les brûler, les réduire en poussières et les disperser dans le vent ou la mer, dans nos esprits et dans nos cœurs, ils marcheront toujours dans nos rangs…( extrait du message consacré à l'exhumation sur le blog de la Nouvelle Droite Populaire)
Tout est dit. D'abord, l'exhumation est présentée comme une opération violente (commando, les forces sont entrées, détruire, brûler, diffuser...), irrespectueuse des individus - silence sur l'accord familial à cette mesure -, qui ont tous droit au repos... Ensuite, la réhabilitation de l'individu sur fond de demi-vérité : Hess a été paradoxalement condamné pour crimes contre la paix. Ce qui est vrai, si l'on enlève le terme paradoxalement. Du point de vue des auteurs de ce blog, c'est mettre l'accent sur ses tentatives de négociations, lesquelles auraient été passées par pertes et profit au procès de Nuremberg. C'est donc en somme un artisan de la paix qui aurait été condamné ! C'est là une lecture tronquée des chefs d'accusation qui est proposée. En effet, les chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité n'ont pu être retenus contre Rudolph Hess puisque dès 1941, il est prisonnier aux mains des Alliés. Etre condamné pour crimes contre la paix recouvre "la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre de violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent". Membre du conseil de défense du Reich, bras droit d'Hitler, Hess a de toute évidence participé à la préparation de la Seconde Guerre mondiale.
De la réhabilitation de Rudolph Hess au mépris pour le procès de Nuremberg, il n'y a qu'un pas, que l'article s'empresse de franchir : Nuremberg a été une "mascarade destinée à satisfaire les humeurs vengeresses des vainqueurs". Exit l'esprit éventuel de justice qui aurait animé les artisans de ce procès d'un genre nouveau ! Exit surtout l'idée d'une responsabilité de l'Allemagne et surtout du régime nazi dans les crimes perpétrés.
Dernier temps : la réécriture de l'histoire, légitime puisque l'histoire officielle " est écrite par les vainqueurs". Pour autant, l'article ne développe pas. Pas de révisionnisme affiché, une prise de risque nulle donc, du fait des risques encourus mais aussi pour laisser le lecteur sous l'emprise de formules fortes - et non argumentées...
L'énumération finale mérite que l'on s'y arrête. D'une part, parce qu'elle met sur un pied d'égalité des héros officiels de la mémoire nationale (Jeanne d'Arc) et des collaborateurs condamnés comme tels dans le cadre de l'épuration (Robert Brasillach). Surtout parce qu'elle procède à un renversement des rôles saisissant : ce sont les autres ("ils"?) - c'est à dire ceux qui ne sont pas nostalgiques du passé nazi - qui sont les auteurs des crimes ("souiller, pendre, brûler"...).
Reste une mémoire nazie condamnée à la clandestinité - "éradiquer nos mémoires et notre histoire" - mais qui tend à afficher sa vigueur.
Outre la photographie de la tombe de Rudolph Hess, le propos est illustré par une vidéo, postée sur youtube par un mystérieux HerrRadieu ( dont la plupart des vidéos postées, aux titres évocateurs "Germania", Souvenirs effacés", "LVF"...) ne sont pas disponibles en France, et intitulée : "Rudolph Hess, dernier adieu". Un hymne au grand homme est proposé, sur fond de photographies bon enfant ( Hess souriant, avec des enfants...) et de musique sirupeuse. A la date d'aujourd'hui, 1370 internautes " aiment" dont un qui affirme : "ils peuvent détruire un corps, une sépulture... Mais l'idéal qui l'animait reste bien vivant! Souvenons nous de lui!"
http://www.youtube.com/watch?v=_YCQ3LAloE0&feature=player_embedded
Sources :
Photos : http://law2.umkc.edu/faculty/projects/ftrials/nuremberg/nuremberghess.html
Rfi
http://www.telegraph.co.uk/news/8652573/Who-was-Rudolf-Hess.html
http://d-d.natanson.pagesperso-orange.fr/nuremberg.htm
http://www.dna.fr/fr/infos-generales/monde/info/5451522-Allemagne-La-tombe-du-nazi-Rudolf-Hess-detruite-Une-depouille-embarrassante
http://ndp-alsace.hautetfort.com/archive/2011/07/22/profanation-politiquement-correct-du-cimetiere-de-wunsiedel.html
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