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vendredi 21 octobre 2011

Regard critique sur l'Amérique des années 1920


« Notre Citoyen idéal, je me le représente avant  tout plus affairé qu’un chien de chasse (…) mettant toute son ardeur à son magasin, sa profession ou son art. Le soir, il allume un bon cigare, monte dans le petit omnibus, ou peut-être maudit son carburateur, et rentre vite chez lui. Il tond sa pelouse ou s’occupe de quelque travail pratique, puis se prépare pour le dîner. Après, il raconte son histoire à ses petits, emmène sa famille au cinéma, ou joue quelques parties de bridge, ou lit le journal du soir et, s’il a des goûts littéraires, un ou deux chapitres d’un bon roman de l’Ouest, bien mouvementé (…) Enfin, il va joyeusement se mettre au lit, la conscience pure, ayant, pour sa petite part, contribué à la prospérité de la ville, et augmenté son compte en banque"
 
Sinclair LEWIS, Babbitt, 1970 (1ère édition, 1922) http://www.americanliterature.com/SinclairLewis/Babbitt/Babbitt.html

Aux Etats-Unis, les années 1920 sont des années d'effervescence. L'économie de la première puissance mondiale bat son plein, les industries tournent à plein régime, surtout le secteur tertiaire se développe, imposant le modèle social du col blanc. Cet américain moyen est celui qui incarne la réussite américaine et celui auquel le mythe américain (celui d'une réussite possible pour tous ceux qui en font l'effort) renvoie. Il est aussi celui qui profite de l'american way of life (une résidence éloignée du centre ville, une épouse comblée par le confort électroménager, une automobile puissante...).
C'est cet américain moyen que Lewis Sinclair écorne dans son roman Babbitt, paru en 1922. Georges F. Babbitt est un col blanc, un employé modèle, un agent immobilier prospère... Avec lui, c'est toute l'Amérique des années 1920, obsédée par la spéculation immobilière et l'acquisition de biens de consommation, qui est dépeinte. De manière réaliste - Sinclair est le chef de file de l'école réaliste aux Etats-Unis - , et critique : le personnage du roman est conscient de ses limites, du conformisme réducteur de sa vie, il cherche à sortir de cette vacuité ... en vain!
Dans le discours qu'il prononce en 1930 lors de la remise du Prix Nobel de Littérature ( il est alors le premier romancier américain à être distingué par ce prix), Sinclair Lewis remercie l'académie d'avoir honoré un écrivain réaliste, alors que, selon lui, les Etats-Unis entretiennent, par le biais de la littérature, une image figée des Etats-Unis, faite de stéréotypes et destinée seulement à pérenniser l'image d'Epinal d'une Amérique bucolique, pure et juste... 

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