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vendredi 7 octobre 2011

Prix Nobel de la Paix 2011 : une reconnaissance du rôle des femmes

De gauche à droite : la militante yéménite Tawakkul KARMAN, la présidente du Libéria Ellen JOHNSON-SIRLEAF, la militante libérienne LEYMAH GBOWEE
Le prix Nobel de la Paix 2011 vient d'être décerné. Le choix du comité en charge de la désignation ( le comité comprend cinq personnes désignées par le Parlement norvégien) s'est, cette année, porté sur trois figures féminines. Deux libériennes : Ellen Johnson-Sirleaf , Leymah Gbowee et une yéménite : Tawakkul Karman
Mère Térésa, Calcutta
Ce n'est pas la première fois que des femmes sont honorées par cette distinction : on se souvient de la nomination de Mère Térésa (1979) - pour sa contribution à la lutte contre la pauvreté en Inde- , ou, plus récemment, de celle de Aung San Suu Kyi (1991) - militante birmane- . Mais ces femmes distinguées ( six depuis 1901, sans compter les lauréates 2011) faisaient figure d'exception dans un paysage masculin. Avec trois nominations féminines, le prix Nobel 2011 représente une rupture. 
La seconde nouveauté tient aux fondements de la distinction. Les femmes honorées par le Nobel de la Paix ont toujours été des militantes : présidentes d'organisations pacifistes (en 1946, la lauréate est ainsi la présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix ou la liberté), militantes écologistes (en 2004, c'est la militante écologiste kényane Wangari Muta Maathai qui est distinguée), militante "sur le terrain" ( Mère Térésa dans les bidonvilles de Calcutta)... Les femmes honorées en 2011 sont, elles aussi, des militantes. En faveur de la paix ( les deux libériennes ont été impliquées dans le combat non-violent pour la fin de la guerre civile au Libéria), en faveur d'une société libérée de toute forme d'oppression. Ce qui est nouveau, c'est que leur combat - et donc, le combat qui a été distingué - n'est pas seulement un combat pacifiste auquel des femmes, comme d'autres, auraient pris part. C'est  un combat mené par des femmes, avec des formes de lutte spécifiques, porté par la conviction que les femmes ont une voix à faire entendre et des droits à faire respecter. 
Chirine Ebadi
En ce sens, la nomination de Chirine EBADI (prix Nobel 2003), la première femme à avoir accédé à la fonction de juge en Iran, fonction qu'elle a mise au service de la défense des droits des femmes iraniennes, peut être considérée comme le premier pas vers la consécration du combat, pacifiste et féministe, des femmes. En 2011, les trois militantes distinguées l'ont été "pour leur lutte non-violente pour la sécurité des femmes et leurs droits à une participation entière dans la construction de leur pays". 
Tawakkul Karman apprend sa nomination
Consacrer la lutte des femmes en faveur des droits des femmes dans une société de justice et de paix... Le choix de Tawakkul Karman - journaliste yéménite qui a fondé en 2005 le groupe Femmes journalistes sans chaînes, femme pionnier de la contestation menée depuis  le printemps 2011 contre le régime du président Saleh - est une forme d'hommage à un printemps arabe révolutionnaire ET féminin. D'ailleurs, c'est aux militants arabes que la lauréate a immédiatement dédié son prix. 
http://www.courrierinternational.com/article/2011/07/07/un-printemps-revolutionnaire-et-feminin
Le choix de la militante libérienne Leymah Gbowee est, lui aussi, sans surprise dans le cadre d'une consécration de l'action non-violente menée par les femmes. Leymah Gbowee est en effet l'une des actrices majeures de la lutte que les femmes ont mené au Libéria en 2003 contre le régime du dictateur Charles Taylor, pour mettre un terme à la guerre civile qui ravageait le pays. 
Un documentaire produit en 2008, dans lequel Leymah Gbowee intervient, a d'ailleurs été consacré à cette victoire féminine et non-violente sur la violence du régime et de la société libérienne des années 1990 et 2000 : Pray the Devil back to Hell. 
"Il n'y a rien qui devrait conduire les gens à faire ce qu'ils ont fait aux enfants du Liberia", drogués, armés, devenus des machines à tuer, explique-t-elle (Leymah Gbowee)  dans un documentaire sur le combat des Libériennes pour la paix, "Pray the Devil Back to Hell" ("Prie et renvoie le diable en enfer"). La lutte des Libériennes pour la paix "n'est pas une histoire de guerre traditionnelle. Il s'agit d'une armée de femmes vêtues de blanc, qui se sont levées lorsque personne ne le voulait, sans peur, parce que les pires choses imaginables nous étaient déjà arrivées", écrit-elle dans son autobiographie. "Il s'agit de la manière dont nous avons trouvé la force morale, la persévérance et le courage d'élever nos voix contre la guerre, et rétablir le bon sens dans notre pays", ajoute-t-elle. ( article sur le site 7 sur 7)
Leymah Gbowee
http://praythedevilbacktohell.com/
Ellen Johnson Sirleaf, une des trois lauréates du prix Nobel de la paix, a déclaré vendredi à Monrovia que "c'est un prix pour tout le peuple libérien".
Ellen Johnson Sirleaf, présidente du Libéria depuis 2006
La présidente du Libéria, Ellen Johnson Sirleaf, était la "lauréate la plus probable" ( selon la chaîne norvégienne TV2) ; elle est aussi la seule lauréate contestée... Des trois militantes reconnues par le Nobel, elle est la seule femme de pouvoir. La lutte menée par les femmes libériennes pour mettre un terme à la dictature de Charles Taylor et à la guerre civile a en effet permis une transition démocratique et l'élection de Ellen Sirleaf à la présidence (2006). Elle est alors entrée dans l'Histoire en devenant la première femme élue présidente sur le continent africain. En 2011, le prix Nobel consacre cet itinéraire d'exception. Mais il intervient à un moment critique pour la lauréate, qui est désormais une présidente sortante dont le bilan est discuté à quelques jours des élections présidentielles. Il peut aussi être perçu comme un "coup de pouce", ce qui attise les critiques. Le principal adversaire politique d'Ellen Sirleaf, Winston Tubman (dirigeant du Congrès pour le Changement démocratique) ne mâche pas ses mots : "Ce prix est inacceptable et non mérité". La présidente sortante a engagé une lutte sans merci contre la corruption politique -  engagement qui lui a valu le surnom de "dame de fer"- ; elle est par ailleurs parvenue à éviter la crise alimentaire à son pays, en attirant des investisseurs étrangers. Mais elle est accusée de ne pas avoir tenu ses promesses économiques et sociales - le chômage touche toujours 80% de la population libérienne - et, surtout, de ne pas avoir suffisamment oeuvré dans le sens de la réconciliation nationale, dans un pays ravagé par une longue guerre civile. 
Sources : 
http://www.europe1.fr/International/Ellen-Johnson-Sirleaf-femme-d-influence-757117/
http://www.lagazettedeberlin.de/5625.html
http://www.lematin.ch/actu/monde/le-nobel-de-la-paix-attribue-trois-liberiennes
http://www.courrierinternational.com/article/2011/07/07/un-printemps-revolutionnaire-et-feminin
http://www.leparisien.fr/international/nobel-de-la-paix-deux-africaines-et-une-arabe-recompensees-07-10-2011-1642583.php

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