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jeudi 2 juin 2011

L'Angola, ou les mirages de la mondialisation

  • Pétrole et croissance record
L'Angola est un vaste pays d'Afrique centrale, qui borde l'océan atlantique. Il se signale depuis les années 2000 par une très forte croissance économique ( de l'ordre de +13% en 2010), tirée par les recettes des exportations : pétrole d'abord, mais aussi diamants, minerais, café, poisson, bois. Des exportations de produits bruts exclusivement, signe d'une stratégie de développement fondée sur l'exploitation des ressources et l'insertion dans les échanges mondiaux. 
Cette stratégie est totalement extravertie : les capitaux viennent de l'extérieur, qu'il s'agisse des capitaux investis dans l'exploitation pétrolière ou des recettes. Depuis 2009, l'Angola est le premier pays africain producteur de pétrole. Pour l'essentiel, les gisements sont exploités par des multinationales étrangères : Chevron Texaco (EU), Exxon Mobil (EU), Total (Fr), BP (RU), Shell (PB)...), ainsi que par une compagnie publique angolaise, Sonangol. Les ressources nationales sont donc à la source du développement, mais elles ne sont pas d'abord exploitées par des entreprises nationales... De plus, si l'Angola bénéficie actuellement de l'envolée des cours du pétrole, il est ,comme tous les pays fondant leur développement sur les exportations, extrêmement dépendant des fluctuations des cours du marché. Or, les recettes du pétrole - la rente pétrolière - représentent 80% des recettes en devises du pays. Que sera l'après-pétrole?
  • A qui profite la manne pétrolière?
Depuis la fin de la guerre civile en 2002 ( trente années de guerre civile ont ravagé le pays après l'indépendance en 1975), les prix élevés du pétrole, les milliards d'investissements étrangers (notamment dans la construction) assurent au pays une croissance vertigineuse. Mais là où il y a croissance, il n'y a pas forcément développement... 
Ballon rond, pétrole, et bidonvilles... photo publiée sur le site France 24
Malgré la rente pétrolière, l'IDH (indicateur de développement humain, calculé en prenant en compte le PIB/ht, l'alphabétisation et l'espérance de vie) de l'Angola reste toujours en bas du classement mondial. En 2009, il est de 0, 403, plaçant l'Angola au 146e rang mondial (depuis 5 ans, l'Angola a gagné 2 places dans le classement, passant du 148 au 146 e rang...). 
Les indicateurs démographiques et sociaux ne trompent pas sur la réalité d'un développement dans l'impasse. L'espérance de vie est de 48 ans - chiffre que l'on retrouve dans d'autres pays d'Afrique centrale comme le Tchad, la République démocratique du Congo ou la République centrafricaine - ; le taux de mortalité infantile (nombre de bébés morts avant d'avoir atteint l'âge de 1 an sur l'ensemble des naissances vivantes) dépasse 100 pour 1 000. 
La démographie de l'Angola reste typique des pays les plus pauvres, dans lesquels avoir des enfants est une garantie pour l'avenir.  Ainsi, le nombre moyen d'enfants par femme (indice de fécondité) demeure élevé, même s'il a enregistré une légère baisse. De 7,4 dans les années 1970, il est tombé à 5,4 actuellement, autorisant toujours une croissance soutenue de la population angolaise ( 19 millions d'habitants en 2010). 
Selon la Banque mondiale, les deux tiers de la population angolaise continuent à vivre avec moins de 2 $ par jour. Et si le taux de chômage n'est que de 15 %, la moitié de la population urbaine dépend du secteur informel pour générer des revenus. 
L'argent du pétrole ne semble donc pas avoir bénéficié à la population et, selon le porte-parole du principal parti d'opposition de l'Angola, l'UNITA (Union pour l'indépendance totale de l'Angola ), l'écart entre les nantis et les démunis continue de s'élargir. 

  • Un pays, deux mondes à part... quelle solution politique?





En Angola, le pouvoir est aux mains, depuis 32 ans, du président José Eduardo Dos Santos, chef du parti MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola). Sorti vainqueur de la guerre civile qui a succédé à l'indépendance, le MPLA - et son chef José Euardo - tiennent le pays d'une main de fer. Il y a bien eu des pressions internationales pour que des élections présidentielles soient organisées. Mais elles ont été reportées et le président a fait passer en 2010 une révision constitutionnelle renforçant encore ses pouvoirs. Des élections devraient avoir lieu en 2012... 
Toute contestation est, pour l'instant, étouffée dans l'oeuf. Ainsi, en mars 2011, un projet de rassemblement - mettant en cause le président angolais - s'est soldé par l'arrestation de trois journalistes à l'origine du mouvement. Une contre-manifestation a par contre été organisée par le pouvoir, rassemblant des milliers de manifestants dans tout le pays. 
Cet épisode témoigne d'une certaine anxiété de la part du MPLA dans le contexte de déstabilisation qui agite l'Afrique du Nord depuis l'hiver 2010/2011. Selon un économiste angolais, le gouvernement aurait peur "d'un mouvement inspiré des révoltes populaires de Tunisie ou d'Egypte". 
Deux éléments jouent néanmoins en faveur du pouvoir... et donc, contre toute solution politique au mal-développement angolais. Le premier réside dans le caractère récent de la paix en Angola. Le pays a connu près de 30 années de guerre civile, et "le peuple, n'envisage pas de reprendre les armes", selon Elias Isaac (de la fondation Open Society) : "la paix a seulement huit ans et le peuple, qui avait tout perdu, n'est pas prêt à lâcher le peu qu'il a acquis depuis le cessez-le-feu". Le second élément qui autorise, pour l'instant, le maintien au pouvoir d'un gouvernement qui semble se soucier assez peu de redistribution des richesses, tient, paradoxalement, dans la fracture qui divise le pays. 

Douglas Steinberg, directeur national de 'Save the Children' en Angola, a expliqué: "Il y a un énorme fossé entre les riches et les pauvres ici, et beaucoup de gens ne sont pas vraiment informés de la richesse de l'Angola. Les gens qui vivent dans les zones rurales ou les zones centrales, ne voient pas les plateformes pétrolières en mer, ils ne savent pas simplement la masse d'argent qui est là, ils ne voient pas toutes les nouvelles constructions et les voitures tape-à-l’oeil et les restaurants chers".

"Et je pense que cela fait partie du problème - si les gens ne savent pas que le pays est riche, il leur est plus difficile de tenir le gouvernement responsable de la manière dont il dépense cet argent", a-t-il ajouté. 
Sources : 
IPS (InterPressService), Louise Redvers, Les riches et les pauvres - un pays, mais deux mondes à part, 18 septembre 2009.
World population Prospects, nations Unies, 2009. 
Agence française de développement, Africapolis II, fiche pays Angola.
http://www.indexmundi.com
http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20090920T074217Z/anniversaire-mpla-unita-election-presidentielledos-santos-fete-ses-30-ans-au-pouvoir.html

1 commentaire:

  1. Belin Caroline6 juin 2011 à 11:38

    Mme, merci. Votre blog est exactement la réponse aux questions que je me pose, à la fois dans mes révisions et dans mes découvertes sur l'actualité. J'ai notamment trouvé vos articles sur le dictateur du Zaïre (Mobutu) et sur l'Angola très intéréssants et répondant à un article trouvé dans Géo.
    J'attends toujours "mon" article sur le Soudan (sans faire de fixation sur l'Afrique bien sûr), pour dire qu'il est parfait.

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